La Révolution



Rousselin


Le comité de salut public donne à Rousselin l’ordre de se rendre à Troyes, le revêtant des pouvoirs nécessaires « pour renouveler les autorités constituées, faire arrêter tous les malveillants, et prendre les mesures propres à rétablir l’esprit public  dans cette commune, et la porter à la hauteur de la Révolution »

 

La ville de Troyes eut ainsi un comité révolutionnaire, opérant sous la direction d'un tyran farouche, et le disputant avec Bô en férocité. Ce tyran est donc Rousselin, ami et collaborateur de Gusman, Peteyra, Clémence, Marchand… dans le fameux comité d'insurrection, organisé au 31 mai, an 2, contre la représentation nationale.

 

Les intrigants qui s'agitaient à Troyes, ne trouvant pas que les mesures révolutionnaires allassent assez vite à leur gré, s’étaient rendus à Paris, pour y peindre leur patrie sous les couleurs les plus noires. Ils firent si bien, que le comité de salut-public d'alors, leur donne, pour la régénérer, à ce qu'il prétendait, ce jeune homme de vingt-deux ans, Alexandre-Charles Rousselin Corbeau de Saint-Albin.

 

A peine arrivé à Troyes, ce grave personnage autorise un comité central révolutionnaire, indépendamment d'un autre comité dit aussi révolutionnaire, s'environne d'une garde, et ne donne connaissance de ses pouvoirs à aucune autorité constituée.

 

Pour augmenter l’autorité de Rousselin, le comité mit à sa disposition un détachement de l’armée révolutionnaire, composé de 200 hommes, qui devaient rester à Troyes aussi longtemps que le commissaire civil jugerait leur présence nécessaire. Cette garde, composée d’hommes sans scrupules, était disposée à exécuter aveuglement les mesures les plus rigoureuses.

 

Ce fut le 15 novembre 1793 que Rousselin arriva à Troyes. Lorsque le détachement fit son entrée en ville, il lui offrit un repas civique, dans lequel on but 250 bouteilles de vin !

 

Il se rendit immédiatement à la Société populaire, où, après avoir parlé de l’armée révolutionnaire, il s’écria : « Je suis venu par le peuple pour les sans-culottes, je ne ferai rien que par les sans-culottes de Troyes ». La Société applaudit à cette déclaration, et engagea Rousselin à s’environner du comité révolutionnaire « pour y puiser les lumières dont il avait besoin dans un pays qui lui était tout à fait étranger ». Rousselin alla le même jour au comité. Ce fut la seule autorité avec laquelle il se mit en rapport, et c’était la seule qui ne tint pas ses pouvoirs de l’élection. Il y indiqua les mesures qu’il comptait prendre pour l’épurement des autorités, l’arrestation des suspects, la suppression des prêtres, la fermeture des églises, l’enlèvement des objets précieux qu’elles contenaient. Ces mesures furent approuvées par les membres du comité, qui espéraient obtenir de Rousselin une partie des places de l’administration, dont les titulaires seraient destitués. Pour achever l’œuvre de destruction qui, aux yeux des jacobins, devait compléter la Révolution, il fallait achever d’anéantir la religion, l’autorité, la richesse, et, par conséquent, frapper les prêtres, destituer les administrateurs, spolier les riches, les premiers accusés de fanatisme, les seconds de modération, les derniers d’égoïsme et d’accaparement. Rousselin accomplit cette triple tâche avec autant de vigueur que de promptitude, en employant les moyens d’intimidation que lui fournissaient ses pouvoirs illimités.

 

Ce fut par le clergé qu’il commença. Une des sections décida de ne plus payer les pensions des ecclésiastiques qui ne reconnaîtraient pas Sibille (évêque constitutionnel de Troyes) pour leur évêque. La Société populaire demanda aux suisses des paroisses de ne plus porter les « habits pompeux » et les panaches dont ils étaient décorés, et qu’on les forçât de revêtir « l’habit national ». Elle voulut aussi qu’un officier municipal soitt chargé d’aller faire casser les cloches jugées inutiles. Des charpentiers furent mis en réquisition pour en opérer la descente.

 

La nomination de Gachez aux fonctions de maire fut le signal de mesures anti religieuses. Les 7 sœurs de la Charité de Saint-Jean qui continuaient de soigner les malades, furent expulsées de leurs maisons sans qu’on leur accorde aucun délai. Deux officiers municipaux furent chargés de les en « faire déguerpir ».

 

La commune, enhardie par l’exemple de Paris, s’empressa d’appliquer la loi de la Convention qui ordonnait de célébrer les fêtes des décades. Elle supprima le repos du dimanche, invita les marchands à fermer les boutiques les jours de décades, et décida que ces jours seraient « consacrés au brûlement successif de tous les papiers et titres féodaux rappelant les signes du despotisme sous lesquels les Français avaient si longtemps gémi ». La commune alla plus loin : « considérant, dit-elle, que l’ostensibilité des signes n’ajoute rien à l’efficace salubrité des secours que les catholiques attendent de la seule réalité », elle défendit aux prêtres « d’exercer leurs fonctions en dehors de l’enceinte des temples et de sortir vêtus d’aucuns habits ou autres marques distinctives de leur caractère ».

 

Elle interdit de tendre les maisons des morts, d’exposer leur cercueil devant leur porte, d’annoncer les services funèbres au son des cloches, d’accompagner les convois et les enterrements des cérémonies du culte. La haine de la religion allait jusqu’à priver les familles de leurs dernières consolations.

 

C’était le prélude de nouvelles confiscations. Le département prescrivit l’inventaire de tous les objets précieux et des meubles se trouvant dans les églises, et on les en dépouillait. Quelques escrocs profitèrent de l’exécution de ces mesures pour devancer les agents de l’administration et se faire remettre les vases sacrés dont on devait dépouiller les églises.

 

L’un des premiers actes de Rousselin, le jour de son arrivée, fut donc de faire prendre par le comité révolutionnaire un arrêté pour la remise des objets précieux qui se trouvaient dans les églises.

 

Il somma le lendemain le citoyen Sibille, qu’il ne désignait que sous le nom de curé de la ci-devant cathédrale, d’ouvrir au commissaire du comté « tous les lieux où «étaient les objets, tant en or qu’en argent, et autres ustensiles du culte », sous peine d’être regardé et poursuivi comme suspect.

 

Il restait à supprimer le culte dont on prenait les ornements, à fermer les églises qu’on dépouillait. Rousselin y procéda sans hésiter. Il fit convoquer au son du tambour le peuple à Saint-Pierre, monta dans la chaire et attaqua avec la plus grande violence le fanatisme, dont il fit voir « la monstruosité ». Surexcités par sa parole déclamatoire, les assistants crièrent à plusieurs reprises : « Plus de prêtres ! Plus de prêtres ! Nous n’en voulons plus ». Rousselin alors leur demanda : « Toutes les églises doivent-elles être fermées, le culte catholique aboli, les prêtres supprimés et renvoyés ? ». Presque toutes les mains se levèrent pour l’affirmative. On vit alors un triste spectacle. Plusieurs prêtres, applaudissant à la décision qui les frappait, déclarèrent que « le temps était venu de désabuser le peuple du fanatisme et de la superstition où il croupissait depuis longtemps », renoncèrent à leurs fonctions, et abdiquèrent leur caractère sacerdotal pour ne professer à l’avenir d’autre culte que celui de la raison, de la liberté et de l’égalité. Ce fut le président du département qui prit l’initiative de cette apostasie. Fort de l’adhésion de la foule rassemblée à Saint-Pierre, Rousselin publia un arrêté pour ordonner que « les maisons nationales, connues précédemment sous le nom d’églises, seraient fermées », et qu’elles ne pourraient être ouvertes gratuitement à aucun culte particulier. Elles devaient être consacrées au culte universel de la liberté, que l’on célébrerait les jours de décades, et dont les ministres seraient « les pères de famille, bons citoyens, qui auraient donné leurs enfants à l’éducation nationale et les vieillards sans-culottes ».

 

Le dimanche 17 novembre, le curé de Saint-Remy allait célébrer la grand’messe, lorsque des émissaires de Rousselin lui enjoignirent de se rendre au comité. Ses paroissiens vinrent le rejoindre, insistants sur la constitution de l’Etat qui reconnaissait la liberté entière des cultes et Rousselin permit au curé de retourner à son église. Mais 8 jours après, le dimanche 24, les églises furent fermées, le culte cessa d’y être célébré. Cela ne suffisait pas aux révolutionnaires : l’église Saint-Remy fut destinée à servir de magasin de subsistances, la cathédrale fut convertie en temple de la Raison, le chœur fut converti en salle de danse avec la musique dans les stalles et il y eut des scènes de débauche et d’immoralité, dont les chapelles des bas-côtés furent l’asile.

 

Rousselin donna ensuite l’ordre de faire dresser sur la place Saint-Pierre une guillotine, et nomma les jurés qui devaient envoyer à la mort les suspects. Il remplit les prisons d’un grand nombre de suspects, dont des femmes, et jusqu’à un vieillard de 82 ans, presque aveugle, qui fut arraché de son domicile à 2 h du matin et conduit au Grand-Séminaire, l’ancienne abbaye de Notre-Dame-en-l’Isle, où les suspects avaient été transférés.

 

Le conseil général de la commune décida qu’une statue de la Liberté serait placée au-dessus de la porte de l’hôtel de ville.

 

Rousselin expulsa de l’administration les membres les plus sages et les plus modérés et les remplaça  par des sans-culottes affichant les opinions les plus extrêmes, « aussi ineptes qu’immoraux ».

 

Il sévit sur les riches et les négociants : tous ceux qui ne payaient pas la taxe dans les 24 heures étaient menacés d’être imposés au double, ou d’être incarcérés et livrés à la commission révolutionnaire.

 

La Convention interdit aux particuliers de conserver chez eux de l’or, de l’argent ou des bijoux sans les déclarer. Sous l’influence du maire Gachez, des perquisitions furent faites et de l’or et des sommes importantes saisies.

 

Rousselin fut obligé de repartir à Paris, chargé des malédictions de la population troyenne qu’il avait terrorisée. Après son départ, les autorités locales fonctionnèrent régulièrement.       

 


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