Les Ecoles

La vie à Troyes



L’école normale


La loi Guizot du 28 juin 1833 met en demeure les départements de procéder à l’établissement d’une Ecole normale primaire chargée de former les instituteurs de l'enseignement public.



Le Conseil général de l’Aube n’a pas attendu ces prescriptions, votant dès le 2 février 1833, le principe de cette création. Dès le 21 février, il reçoit les encouragements du ministre. En juin, les locaux place saint-Nizier (ancien hospice de la Providence), sont achetés. Un jeune maître de 25 ans, Monsieur Dautremant, ayant déjà une grande réputation, est nommé 1er directeur en mars 1834 avec 24 élèves. En octobre, 36 élèves : 22 en 2° année, 14 en 1ère.

 

Dès avril 1835, s’ouvre l’école primaire annexe de 40 élèves, puis 70.

 

Les locaux devenus rapidement exigus, en 1845, l’école est transférée Faubourg Saint-Jacques, notre actuelle Avenue du 1er mai, et agrandie en 1928, avec son école annexe servant d’école d’application pour les élèves-maîtres.

 

Dans cette propriété, il y avait un jardin de 25 ares. Dès 1846, M. Lânier, horticulteur à Troyes, donna aux élèves-maîtres des leçons pratiques de jardinage, de greffe et de taille des arbres fruitiersEn 1856, sont acquis 22 ares supplémentaires, afin de donner une importance plus grande aux leçons d'horticulture. Le rapport du Recteur de 1878 indique que le jardin botanique qui a été établi, est doté d'une magnifique collection d'arbres fruitiers, où " espaliers et palmettes, quenouilles et cordons affectent les formes les plus variées. Les élèves acquièrent des connaissances pratiques qu'ils ont pu répandre dans leurs villages... ".

En 1850, la question de la suppression des Ecoles normales est débattue devant l’Assemblée législative. Le Directeur de Troyes adresse une lettre au recteur dans laquelle il dit les extraordinaires succès des 254 élèves, plusieurs ayant obtenu des récompenses ministérielles !

La création des Ecoles Normales Départementales résulte de la mise en application de la loi du 19 juillet 1889 qui leur a conféré la personnalité civile leur permettant " de  posséder un patrimoine, d'aliéner des biens mobiliers et immobiliers, de s'obliger et d'obliger des tiers ". L'Ecole prend part à l'Exposition universelle 1889, et reçoit une médaille d'or pour le Professeur d'agriculture, pour son enseignement et ses essais.

La situation des bâtiments devient chaque jour plus défectueuse, elle réclame des transformations et des réparations urgentes. Le 16 juillet 1892, le projet de restauration des bâtiments qui a été voté en 1890 par le Conseil Général, est approuvé par le Ministre et reçoit un commencement d'exécution.

Lors des travaux pour la construction des nouveaux bâtiments, nous avons trouvé la trace d’occupation gallo-romaine, avec de nombreuses pièces archéologiques et la présence de sépultures de différents vestiges antiques, 2 caves, une lanterne en bronze et fer, 6 hippo sandales, 2 pieds de coffret en bronze et en forme de petit animal, une monnaie de Trajan, une écuelle en céramique, divers outils, 2 fibules…

 

En janvier 1917, l'Ecole s'associe à l'effort de guerre en se mettant à la disposition des Armées, pour s'établir en de provisoires locaux, les locaux de l'Ecole Normale  étant occupés par l'autorité militaire : l’école devient un hôpital temporaire.

 

Je fais partie des troyens qui ont fréquenté plusieurs années cette école annexe, la meilleure école primaire qui existait à Troyes, avec un directeur M. Panas, très dur, mais très efficace !

 

Que diraient les parents aujourd’hui, si leurs enfants (7 à 10 ans) étaient à genoux plusieurs heures sur une règle, ou avec des dictionnaires dans chaque bras en l’air, ou bien encore recevant des coups de règle sur leurs mains tendues, ou des coups de gomme sur les petits cheveux de leur nuque ???

 

Mais lorsque les écoliers sortaient de cette école annexe et entraient en 6ème, ils ne faisaient aucune faute d’orthographe, ils étaient les rois du calcul mental… et leurs parents approuvaient le Directeur d’école. 

 

      Le Régime de Vichy supprime les écoles normales primaires, qui seront rétablies à la Libération.

 

Notre école normale est l’un des rares édifices de ce quartier à ne pas avoir été démoli par le bombardement allemand du 14 juin 1940.

 

En partie rasée en 1958, après le transfert de l’école dans les bâtiments neufs de l’Avenue des Lombards, j’installe en 1960, dans les locaux restants, la 1ère Maison des Jeunes et de la Culture que je viens de créer, puis fais construire à cet emplacement, le 1er prototype français des Maisons des Jeunes et de la Culture de France, inauguré par le ministre Herzog, et un timbre 1er jour émis par les PTT.

 

Elle sera à son tour démolie en 1986 et laisse place à un petit square.

L’école normale est transférée aux Chartreux pour les garçons et à Sainte-Savine pour les filles, en 1985.

 

Ces écoles sont remplacées par les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), suite à la loi de 1989.  

 

" Dans leurs campagnes, les jeunes instituteurs furent, selon le mot de Péguy, les hussards noirs de la République. Ce sont eux qui ont généralisé l'alphabétisation, eux qui ont introduit avant les médias toutes sortes de nouvelles connaissances, eux surtout qui se firent les infatigables défenseurs d'une morale de la responsabilité, de l'honnêteté, de la vérité, du travail. Et ils le firent dans leur esprit laïque, sans haine, par la croyance profonde qui était la leur, au Progrès humain ".

 

En 2005, le Parlement vote une loi prévoyant l’intégration des IUFM dans les universités, qui deviennent les Ecoles internes des universités, statut comparable aux IUT.

 

Anecdotes :  en 1892, on se souciait de la bonne apparence des élèves-maîtres lors de leur sorties. Selon le règlement ministériel du 16 juillet, les familles sont tenues de procurer à leur frais : un uniforme comprenant une redingote avec palmes blanches, un gilet droit, une casquette avec galon blanc, le tout en drap bleuté, pour l'été un pantalon et un gilet de drap gris foncé, une vareuse noire et une ceinture de gymnastique, 2 vêtements complets pour les jours ordinaires, 2 paires de chaussures, 1 paire de sabots avec chaussons à semelle de cuir, 3 brosses à chaussures, du cirage et un petit sac noir pour contenir ces objets, 2 cravates noires et 1 paire de gants noirs pour les sorties, des cravates à volonté pour l'intérieur, une petite ceinture de cuir jaune pour la blouse, 10 chemises neuves pour le jour et 2 chemises de nuit, 18 mouchoirs de poche, 6 paires de chaussettes de laine (pour l'hiver) et 10 autres de coton (pour l'été), 6 serviettes de table et 10 serviettes de toilette, 3 tricots et 3 caleçons (facultatifs), 3 bonnets de coton (facultatifs), 3 paires de draps de lit de 3 m, 3 taies d'oreiller à bouton (cretonne blanche), 1 oreiller de 0.60 x 0.60 m, 1 parapluie, 1 tablier pour le travail manuel, 1 brosse à habits, 1 brosse à dents, 1 brosse à cheveux, 2 peignes avec brosse pour les nettoyer, 1 couvert (cuiller et fourchette) en ruoltz, 1 verre, 1 couteau de table, 1 rond de serviette, 1 boite en bois léger fermant à clef pour les petites provisions de bouche (maxima 0,60 x 0.90 x 0,20 m), 1 pot à eau et sa cuvette, 1 glace ronde, 1 verre de toilette,, 1 savon et sa soucoupe, 1 petite éponge commune pour nettoyages, 1 sac de toile pour le linge sale, 1 boite fermant à clef pour les fournitures scolaires ou plumier à clef. Tous ces objets seront marqués des initiales de chacun et du n°.

 

Le 14 janvier 1905, le Directeur expose au Conseil : "que l'Ecole Normale de Troyes a pris part, au titre de collaborateur du Ministère de l'Instruction publique française, à l'Exposition Universelle de Saint-Louis (Etats-Unis). Dans le palmarès, l'Ecole Normale d'Instituteurs de Troyes y figure 3 fois, pour 3 grands prix en Collectivités (Monographies scolaires, enseignement du Dessin et Travaux Manuels). 

 

85 élèves-maîtres, instituteurs et professeurs de l'Ecole Normale sont morts au champ d'honneur de la guerre 1914-1918.

 

Chaque année, les élèves-maîtres faisaient le portrait d’un élève. En 1933 (j’avais 9 ans), ce fut le mien. Pour vous amuser, voici quelques extraits. "… il aime mieux faire du football, que jouer aux billes… Il a peu d’appétit, ses parents doivent le forcer à manger, et ils n’y parviennent qu’avec difficulté. Jacques n’aime ni la viande ni la soupe, mais il se rattrape sur les légumes, ce qui oblige sa maman à préparer chaque fois un menu particulier. Jacques ne boit ni vin ni café, non seulement parce qu’on lui interdit, mais parce qu’il n’y tient pas… Jacques est soigneux de ses vêtements, même lorsqu’il se livre entièrement au jeu, il n’oublie pas de faire attention à sa blouse, à ses souliers… parce qu’une blouse déchirée lui rappelle, m’a-t-il confié, une bonne fessée par sa maman… il craint surtout sa maman, parce qu’elle le corrige chaque fois qu’il le mérite… Jacques est fort taquin, sa sœur Janette de 3 ans plus âgée que lui, subit les conséquences de ce défaut. Cette taquinerie dépasse parfois les limites permises : Janette pleure et se plaint à sa maman ; maman rétablit l’ordre par une correction, et Jacques pleure à son tour… … ".  

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