Troyes et l'Aube précurseurs



La cour d'amour


Henri I dit le libéral, comte de Champagne épouse, en 1147, Marie de France, fille de Louis VII (1137-1180) et d’Eléonore de Guyenne.

C’est à cette union que la ville de Troyes doit l’honneur d’avoir été le siège important et rare d’une Cour d’Amour, une cour brillante, qui protégea ou encouragea plusieurs écrivains (Chrétien de Troyes, Geoffroy de Villehardouin…)

La princesse Eléonore apporte à la cour de France l’amour des lettres. Sa fille est élevée dans les principes qui ont nourri sa mère.

Les Cours d’Amour prennent leur origine dans le midi de la France.

Marie de France préside celle de Troyes.

Fidélité, obéissance à sa dame, libéralité, hospitalité, bonté secourable envers tous, sont les devoirs du chevalier.

Celui-ci est tenu de servir sa dame, de défendre la justice et de redresser les torts, à quelque prix et à quelque péril que ce soit, sans tenir compte ni de sa fortune, ni de sa vie.

Telle est la morale des Cours d’Amour, issues des assemblées de seigneurs et de dames qui jugent les productions poétiques.

Au lieu de simples jugements littéraires, on soumet à ces réunions des questions de morale chevaleresque, puis des questions de personnes et ces assemblées de plaisir se changent en véritables tribunaux infligeant, à défaut de peines corporelles et pécuniaires, des peines morales fort graves.

Troyes fait partie du très petit nombre de ces villes qui voient siéger, dans leurs murs, ces tribunaux d’une espèce si particulière, et cette institution reçoit un grand développement dans la capitale de la Champagne.

Imitant les Parlements, les cours des Grands Jours, comme les bailliages judiciaires, les Cours d’Amour font des règlements généraux.

Elles se composent de " preudes-femmes " et de quelques chevaliers.

Il y a des arrêts contradictoires, où l’amour matériel y dispute quelquefois le terrain à l’amour idéal platonique.

Certains sont d’une grande élévation morale.

Prenons un exemple, qui est exposé sous la présidence de Marie de France : une dame dont l’ami est en Palestine depuis deux ans, songe à lui donner un successeur. Un ami, plein de zèle pour l’absent, la traduit à ce tribunal de la comtesse de Champagne. Dans sa défense, la dame soutient qu’elle a été au-delà de l’obligation imposée par les lois de l’amour, qui prescrivent de pleurer, pendant deux ans, un amant défunt et que c’est beaucoup d’avoir assimilé à un mort un ingrat dont elle n’a eu aucune nouvelle. La Cour arrête " que l’excuse est inadmissible; que la distance, les travaux, les hasards de la guerre, expliquent suffisamment le silence du croisé; que la dame doit s’applaudir d’avoir pour ami un brave chevalier dont la gloire lointaine rejaillit sur elle; qu’enfin, en principe, une amante ne doit jamais abandonner son amant pour cause d’absence prolongée ".

Deux autres exemples : Une dame qui aimait fort peu un chevalier, lui accorda l'espérance d'amour contre un serment. Le chevalier devait obéir à tous ses ordres et ne point y manquer sous peine d'être privé d'amour. Il prononça l'engagement solennel. Le premier ordre donné fut une défense de paraître amoureux et de célébrer des louanges de sa dame en public. Il se contint et observa scrupuleusement la règle. Un jour, il entendit dire du mal de sa dame et contredit les interlocuteurs en prononçant un vibrant éloge de sa dame. Celle-ci déclara qu'il devait être privé de son espérance d'amour. Marie de Champagne affirma que " cette dame a été trop rigoureuse dans son exigence. Elle n'a pas craint, en effet, d'arrêter par une injuste décision celui qui s'était entièrement soumis à sa volonté, et à qui elle avait donné l'espérance de son amour en se l'attachant par serment. C'est une tromperie qui n'est permise sans motif grave à aucune honnête femme. Le dit amoureux n'a commis aucune faute en s'efforçant par de justes reproches, de convaincre d'erreur les détracteurs de sa femme. En effet, s'il s'est engagé par un tel serment c'est pour obtenir plus aisément son amour. Il semble donc injuste que la dame lui ait ordonné de ne plus s'inquiéter au sujet de cet amour. "

Un chevalier avait demandé à sa dame un congé pour aller se lier avec une autre dame. un mois plus tard, il revint en disant qu'il n'avait souhaité qu'éprouver le cœur de son amante. Elle le repoussa. Aliénor d'Aquitaine répondit : " En amour, il est bien reconnu que souvent les amants font semblant de souhaiter des caresses nouvelles, pour mieux éprouver la fidélité et la constance de leur amie. Elle offense donc la nature suprême de l'amour celle qui, pour cette raison, arrête les habituelles caresses de son amant ou refuse de l'aimer, à moins d'une preuve évidente que la foi promise à été violée. "

Dans un arrêt, l’on compte jusqu’à soixante dames faisant partie de la Cour d’amour de Marie de France.

Il existe même une jurisprudence, que les quelque cours existantes en France, reconnaissent entre elles.

Ainsi, la reine Eléonore déclare que " la cour n’ose contredire l’arrêt de la comtesse de Champagne, qui a déjà prononcé sur la question qui lui est soumise... "

L’existence de la Cour d’Amour à Troyes, a sa part d’influence sur les mœurs et les affaires du temps. La femme y gagne en considération.

Quelques unes sont même choisies pour terminer des procès.

Ainsi, en 1181, Marie, comtesse de Champagne, rend un jugement entre les églises de Saint-Loup et de Saint-Étienne de Troyes.

En 1190, elle est choisie, pour arbitre, avec l’archevêque de Reims, pour certaines contestations...

 

  

 


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