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Docteur Viardin



Vers le commencement du XIX° siècle, dans une maison située rue du Cheval-Rouge, à peu près à l’endroit où commence la rue du Bois-de-Vincennes et où aboutit la rue des Pigeons, demeurait un officier de santé fort estimé comme homme, mais de réputation modeste comme médecin. Il s’appelait Edme Viardin. Il ne fut reçu médecin pour le département de l’Aube qu’en 1809, car il avait avant passé 4 années d’études et 7 années de service en qualité d’officier de santé au 18° régiment de chasseurs à cheval. Le nom de sa femme était : Reine Despeignes. Edme Viardin, pendant le temps de son service comme chirurgien militaire, s’était étroitement lié avec Murat, le futur roi de Naples. L’intimité entre ces 2 personnes était assez grande pour qu’ils se tutoyassent. Murat vint même rendre visite à son ami à Troyes.

 

Le 16 janvier 1803 ((26 nivôse an XI), Edme Viardin eut un fils, qui demeura unique. C’était Jacques-Edme-Guillaume Viardin. Ce dernier appartenait à une famille médicale. En dehors de son père, son grand-père Nicolas-Didier Viardin exerçait à Urville, son grand oncle Louis Viardin avait été également maître en chirurgie à Dinteville.

 

Il fit ses premières études au collège de Troyes. Elles furent abrégées par la mort prématurée de son père, en 1813, emporté par la fièvre typhoïde. Il resta seul avec sa mère pour qui il avait une profonde affection. Elle mourut chez lui, presque aveugle, en 1838.

 

En février 1814, Jacques-Edme Viardin, à 11 ans, voit Napoléon, après le sérieux combat de la Guillotière, non encore vaincu, mais fatigué et faisant tête à l’ennemi qui le harcelait de toutes parts, alors qu’il entre à Troyes par le faubourg Saint-Jacques.

 

Au milieu des privations occasionnées par la disette de 1816, le jeune Viardin, en 1817, est admis à l’Hôtel-Dieu comme élève. De 1817 à 1822, il ne quitte pas l’Hôtel-Dieu qui semble être devenu sa demeure. Les religieuses Augustines le prennent en affection, et il devient véritablement l’enfant de la maison. Le 6 octobre 1822, il reçoit le titre d’officier de santé alors qu’il n’a pas 20 ans. Notre célèbre docteur Pigeotte disait de lui : « Viardin a un bon coup de bistouri ! ». En 1829, il devient chirurgien-adjoint de l’hôpital.

 

En septembre 1930, il épouse mademoiselle Edmée-Julie Chaussin (fille du prévôt), « épouse et mère, appréciée de la ville de Troyes tout entière ».

 

Par ordonnance royale de 1838, il est nommé chirurgien aide-major du 2° bataillon de la garde nationale, jusqu’en 1851. Il est nommé chirurgien titulaire de l’Hôtel-Dieu en 1843, et il n’a pas cessé de pratiquer la chirurgie jusqu’en 1876. Il fait pendant quelques temps le service du Bureau de bienfaisance. Ses occupations trop multiples le contraignent à abandonner cette tâche à des médecins plus jeunes et moins occupés. Souvent, le tribunal l’appelle comme expert dans des affaires judiciaires. Il est médecin de plusieurs communautés religieuses et de beaucoup d’établissements particuliers. Il laisse le meilleur souvenir au Petit-Séminaire. Il est le médecin du chemin de fer de Troyes à Montereau dès son ouverture en avril 1848, et ensuite du chemin de fer de l’Est jusqu’à sa mort.

 

Les Troyens ont en lui une confiance extrême et le regardent comme une sorte de Providence. Dans une opération grave, Viardin « était comme un général sur un champ de bataille, veillant à tout, sûr de sa main prompt dans l’exécution, et miséricordieux pour le pauvre patient ! Une opération chirurgicale est une scène émouvante. Au sang qui s’écoule, vient s’ajouter les cris de l’opéré ». En effet, ce n’est qu’en 1847 qu’a été découverte l’anesthésie, supprimant les douleurs, rendant les opérations plus faciles, leur ôtant leur apparence de torture. C’est surtout en accouchement qu’il a une habileté toute spéciale. Il en fait un grand nombre, et en fin de carrière il lui arrive bien des fois d’accoucher les petites filles de ses premières patientes !

 

Il s’est trouvé aux peines avec tant de grandes difficultés, que son expérience est l’une des plus vastes que l’on puisse rencontrer à cette époque. Viardin est universel, il fait de tout, la médecine, la chirurgie, l’extraction des dents : « Combien il a arraché de doubles décalitres de dents ! ». Le docteur Vauthier dit de Viardin : « Le moment de sa plus grande vogue se situe entre 1835 et 1850. Je ne crois pas que l’on ait jamais vu ni que l’on verra jamais à Troyes, un pareil succès. Il court jour et nuit, mangeant où et comme il peut, souvent dans sa voiture. Une nuit d’hiver, il se perd dans les marais de Saint-Pouange, et n’est sauvé de réels dangers, que par l’instinct de son cheval. Ses instants étaient tellement pris, que si les jours eussent 30 heures, il eut occupé les 30 heures ! Il n’est pas un village où l’on n’ait entendu prononcer son nom au moins une fois. Il n’était pas rare qu’il dépassât les limites du département. Ces courses incessantes, à pied, à cheval, en voiture, ces nuits passées sans sommeil, ce réel surmenage, ne furent pas sans influencer le développement de la maladie à laquelle il devait succomber ».

 

La qualité d’artiste de Viardin ne se remarque pas seulement chez lui pour ce qui concerne la profession médicale, il aime passionnément la musique.

 

Sa seule distraction était d’aller passer la soirée du dimanche en famille dans sa propriété de Barberey, et encore venait-on l’y relancer souvent.

 

Viardin était sobre et avait horreur du tabac, dont il disait : « il compromet la vue, hébète l’intelligence, amoindrit la mémoire, et risque de tarir dans leur source, les générations futures. Je connais des victimes de cette détestable habitude dégénérant bien vite en une véritable passion, qui regrettent que, pendant la traversée d’Amérique en Europe, Nicot et son poison n’aient été engloutis par les flots. Cette plante funeste, le fisc ne s’en plaint pas puisqu’elle rapporte à l’Etat 300 millions, et convient surtout aux oisifs ». 200 ans plus tard, la réflexion reste la même.

 

Viardin se levait de bonne heure et se couchait tard. Vers la fin de sa vie, il prit un certain embonpoint.

 

Il fut 5 fois membre du Conseil municipal de Troyes, de 1856 à 1874. Il apporta au Conseil les idées libérales qu’il professait dans sa jeunesse. Il fut Président de la Société médicale de l’Aube, de 1869 à 1872, puis Président de l’Association locale des médecins de l’Aube.

 

Le 8 août 1868, il reçoit des mains de Napoléon III, à la gare du chemin de fer, où les salles d’attente avaient été transformées en salle de réception, la croix de la Légion d’honneur.

 

Le 30 novembre 1874, il eut le malheur de perdre sa seconde fille âgée de 22 ans, laissant un tout jeune enfant.

 

Jacques-Edme-Guillaume Viardin eut 10 enfants, 7 garçons et 3 filles, dont 4 meurent en bas âge. Un de ses fils est le docteur Eugène Viardin (décédé par fièvre typhoïde). Il eut 10 petits-enfants.

 

Il décède le 15 septembre1876. « Ainsi se termina cette existence longue, laborieuse, honnête. Ainsi disparut un homme de cœur, qui, parti de rien, avait, par son intelligence et une indomptable énergie, su se faire une place, l’une des plus brillantes et des plus dignes d’envie… son nom ne périra pas ».

 

Pendant la cérémonie funèbre à l’église Saint-Jean, M. A. Dosseur improvisa ce sonnet :

 

« Dans l’église Saint-Jean habillée en grand deuil,

 

A côté du bourgeois l’ouvrier s’agenouille,

 

Et le regret public penche la tête et mouille

 

D’eau bénite et de pleurs le drap noir d’un cercueil.

 

Un homme utile est mort, dont l’oubli, cette rouille

 

Du cœur, mettra longtemps à ronger le linceul,

 

Et le sanglot du peuple arrive à sa dépouille

 

Comme le bruit confus de la vague à l’écueil.

 

Tant de gens au Docteur doivent un fameux cierge !

 

Ceux-là surtout que l’on soigne en leur ouvrant la main,

 

Dont le meilleur remède est un morceau de pain !

 

Qui pensifs et frileux sous la bure ou la serge

 

Vont à l’enterrement en disant : Sainte Vierge !

 

Sans sa femme et sans lui nous serions morts de faim.

 

Une décision municipale du 19 août 1902, donne son nom à une rue, près de la caserne Beurnonville dans ces termes : « La Commission s’est arrêtée au choix de Viardin, Jacques-Edme-Guillaume, né à Troyes, rue du Cheval Rouge. Il commença ses études médicales à Troyes, et, sans jamais quitter sa ville natale, devint le chirurgien le plus renommé de son époque dans le département de l’Aube et les départements voisins. Ce n’est pas sans une vive émotion que je vous propose d’honorer la mémoire de mon premier maître à l’Hôtel-Dieu de Troyes, en donnant son nom vénéré à l’une des rues de notre Cité. M. Viardin est mort le 15 septembre 1876. Conformément à nos principes, la Commission pense que le nom de Viardin doit être donné à la rue dans laquelle il est né. Les noms de rue du Cheval- Rouge, rue du Bois-de-Vincennes, ne rappellent pas autre chose que la situation de 2 hôtelleries. La Commission vous propose donc de supprimer les noms de Rue du Cheval-Rouge, rue du Bois-de-Vincennes, pour ne former qu’une seule voie, de la rue de Turenne à la rue de la Pierre, et de donner à cette rue nouvelle le nom de << Rue Viardin, chirurgien de l’Hôtel-Dieu, 1803-1876 >>. Les conclusions sont adoptées ».

 

Jacques-Edme-Guillaume Viardin fut le chirurgien le plus renommé de son époque dans le département de l'Aube et les départements voisins.  

Suite à la parution de ce chapitre, j’ai reçu de M. Erwan Le Marchand, que je remercie, les détails suivants : « Mon quadrisaïeul eu parmi ses enfants une fille prénommée Noélie Anastasie Julie, née le 12 mars 1836 qui épousa Emile Aviat le 15 juin 1857 à Troyes. Ils ont eu une fille Zulmée Marie Marguerite qui épousa Jean-Marie Gustave Desgrez (Ets Desgrez, usine de bonneterie à Troyes, qui avait la marque «Caravelle»). Noélie Viardin eu une cousine Léonie Aviat, religieuse, qui fut béatifiée le 26 septembre 1992, puis canonisée le 25 novembre 2001 par SS Jean-Paul II (voir ce chapitre) ».

 

 

 

 

 

 

 

 

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