En 1744, la France soutenait contre Marie-Thérèse la lutte difficile qu’on a désignée sous le nom de guerre de la succession d’Autriche.
Au mois d’août, le roi Louis XV se rendit à Metz dans l’intention de se mettre à la tête de l’armée qui opérait en Alsace. A peine arrivé, il tombait si gravement malade, que pendant 2 jours on le dit perdu.
Malgré ses premiers écarts de conduite, il était encore « le Bien Aimé », tellement qu’à l’annonce de la gravité de son état, 6.000 messes furent demandées pour lui à Notre-Dame de Paris. La forte constitution de Louis XV triompha du mal. Il guérit et, à peine rétabli, il se rendit sous les murs de Fribourg dont le siège était commencé, qui ouvrit bientôt ses portes.
Mais son état encore précaire l’obligeait à retourner à Versailles. Par la Franche-Comté il regagna la Champagne et c’est ainsi qu’il passa le 14 novembre à Troyes, qu’il ne fit d’ailleurs que traverser sous les arcs-de-triomphe et les mille décorations des maisons et au milieu des acclamations de joie générales. La Ville alla chercher au château de Dampierre 5 canons pour honorer le roi. Le maire lui remit, dans un bassin d‘argent, deux clefs de la ville, chacune d’argent pendues à un gland d’or.
Sur sa route il avait déjà recueilli bien des preuves d’affection et de respect, comme en témoignent ces lignes que le curé de Lignol (près de Bar-sur-Aube) a insérées avec amour entre 2 baptêmes dans le registre des actes paroissiaux : « Ce jourd’hui 12 novembre 1744, sur les 8 heures du matin, le Roi Louis XV, dit à juste titre le Bien Aimé, a passé en cette paroisse. Les paroissiens ont eu l’honneur de lui rendre leurs hommages. Le sergent Collin, ancien Maréchal-des-logis, à la tête de la communauté. Signé : Blanchard, doyen rural, Collin, B. Mégé. ». « Que l’on se représente à distance l’éblouissement des braves paysans de Lignol, qui n’étaient jamais sortis de leur humble village, en voyant apparaître un rayon des splendeurs de Versailles dans ce défilé de 20 carrosses remplis de hauts personnages et de belles dames en habits de gala et, dans le dernier, flanqué de mousquetaires et des gentilshommes de sa Maison, le roi en personne, le cordon bleu en sautoir et le Saint-Esprit en diamants sur le cœur, le Roi, alors jeune encore, et beau comme un jeune dieu, le plus bel homme du Royaume disait-on, malgré la pâleur que la maladie devait avoir encore laissée sur ses traits ».
Le curé de Lignol n’a pas su ou n’a pas voulu nous laisser un tableau de ce spectacle féérique, mais il n’a pas cru devoir omettre la mention de ces quelques minutes inoubliables où, accompagné d’un vieux briscard retraité, du maire et du conseil de la commune, il avait pu saluer humblement ce brillant monarque qui, pour la presqu’unanimité des Français, incarnait la France.
Les mêmes émotions devaient se renouveler 3 ans plus tard pour le curé de Lignol et pour ses ouailles dévouées, quand passa à son tour celle qui devait devenir depuis la belle-fille charmante et très justement aimée de Louis XV. Aussi, l’abbé Blanchard ne manqua pas de consigner cet événement : « Ce jourd’hui 3 février 1747, sur les 3 heures après midi, j’ai eu l’honneur de saluer, revêtu de surplis, Marie Josèphe, fille de Frédéric Auguste Roi de Pologne et de Marie Josèphe d’Autriche. Cette princesse passait ici pour aller épouser Louis Dauphin de France, aujourd’hui régnant, et de Marie princesse de Pologne. Signé Blanchard ».
A peine veuf de moins d’un an de Marie-Thérèse-Antoinette, fille de Philippe V d’Espagne, la raison d’état obligeait le dauphin de France, et pour l’heure et pour longtemps encore inconsolable, de se remarier. La nouvelle dauphine choisie, Marie-Josèphe, était fille en effet d’Auguste III, Electeur de Saxe lequel avait délogé du trône de Pologne Stanislas Leczinski, père de la reine Marie, épouse de Louis XV. Pour cette raison, on devait éviter de faire passer le cortège qui l’amenait de Dresde en France, par la Lorraine, où le roi détrôné avait trouvé un asile honorable, mais précaire. L’entrevue entre ce dernier et la fille de son successeur aurait pu manquer de cordialité. Et la future dauphine suivit à peu près le même chemin que, 3 ans plus tôt Louis XV, par Belfort, Vesoul, Langres, Chaumont et Troyes. Dans cette dernière ville, les élèves de l’Oratoire interprétèrent devant elle une pastorale due à l’ingéniosité d’un P. Grozeillier, laquelle eu le don d’indisposer la princesse. L’auteur avait eu la fâcheuse idée d’imaginer une allégorie où celle-ci rêvait que, pêchant dans la mer, elle en retirait un dauphin. Marie-Josèphe trouva malséant cette fable équivoque qui jouait sur le titre de son époux du lendemain et elle se retira dans ses appartements de l’évêché où elle bouda les corps constitués qui venaient, tout pétillants de joie, la saluer et la complimenter. M. le curé de Lignol, dans son simple surplis et avec sa modeste profession de respect, le salut militaire de l’ancien margis et la gauche révérence de Monsieur le maire de Lignol avaient dû être plus aimablement reçus par celle qui devait être la mère des trois derniers Bourbons, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.
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