La ville de Troyes a eu comme maire de 1588 à 1592, un serviteur dévoué à la maison de Guise, grand bourgeois troyen, Nicolas de Hault.
Le Conseil municipal de Troyes n’a jamais songé à attribuer son nom à une rue, alors que son mandat de maire a été très important pour notre ville, tandis qu’éclataient les troubles religieux qui déchirèrent la France dans la seconde partie du XVI° siècle. A cette époque, Troyes était l’une des villes les plus attachées à la Ligue. Elle jouait dans celle-ci un rôle d’autant plus important que sa position géographique et la richesse de ses habitants en rendaient la possession précieuse pour l’un et l’autre parti. « Elle formait un petit Etat, ayant, dans la Confédération qu’était la Sainte-Union, une bonne partie des caractères de la souveraineté, faisant la guerre, contractant des alliances, concluant des traités, levant des impôts, bref, se gouvernant elle-même et ayant voix au chapitre dans la direction générale des affaires de la Ligue ».
Fils aîné de Gérard de Hault, Nicolas naît en 1529 à Sommevoyre, village appartenant à l’abbaye de Montier-en-Der, dont le cardinal de Guise était abbé. En 1573, il est receveur ordinaire des finances, et achète la commission de receveur particulier des décimes du diocèse de Troyes. « L’Histoire ecclésiastique de la Ville de Troyes » fait l’éloge de Nicolas de Hault. Engagé, ainsi que toute sa famille, dans le service des princes de Guise, il est ligueur avec passion. Il devient trésorier du Cardinal, et se trouve à prêter de grosses sommes à la maison de Guise qui lui donne par amodiation son abbaye de Montier-en-Der. Il épouse en premières noces, en 1552, Colombe Perret qui lui donne cinq enfants. En 1561, il se remarie avec Anne Bazin, veuve de François Mauroy, prévôt de Troyes, seigneur de Courcelles. Ce second mariage fait de lui un troyen, et il vient habiter à Troyes, où il se montre « homme de bien, doux, gracieux, courtois, humain, se rendant agréable à tous », si bien qu’en peu de temps il est élu le 11 septembre 1582, l’un des Conseillers de la Chambre de la Ville, où il se comporte en homme de bien, aimé par son parti. En 1586, il faillit être maire, mais le roi Henri III n’ayant que peu de confiance dans un homme dévoué aux Guise, en nomma un autre. Le 4 juin 1588, le Cardinal de Guise se présente devant Troyes, mais l’entrée lui est refusée et, si les échevins viennent le saluer, ils ne l’en prient pas moins de bien vouloir se retirer. Il renouvelle sa tentative le 10, et réussit grâce à quelques partisans dévoués. Il se rend aussitôt à la cathédrale où il fait chanter un Te Deum, et établit des corps de garde qui reçoivent les ordres de lui seul. Le Maire, d’Aubeterre de Villechétif, n’est pas jugé assez sûr pour être continué, puisque le Roi l’avait choisi, et dès le jour de la Saint-Barnabé, le 11, Nicolas de Hault est élu par le parti vainqueur. Les conseillers de ville démissionnent, et le 17 juin, le Corps de Ville est renouvelé. Avant de quitter Troyes, le Cardinal prend le soin de faire prêter, par les nouveaux élus, le serment d’union. Le 18 août, les juges-consuls signent sur le registre du greffe et, tous les ressortissants de la Ville, civils ou militaires, viennent prêter serment entre les mains du Maire, et signer le registre. Le 30 novembre, le roi nomme Nicolas de Hault, receveur héréditaire des décimes et subventions au diocèse de Troyes. Cela n’empêche pas le roi Henri III de faire égorger trois semaines après, le 23 décembre, le duc de Guise, « chef de son cher et bien aimé Nicolas de Hault ! ». Connue le 26 décembre à Troyes, cette justice expéditive du roi a une répercussion violente. Des éléments de désordre en profitent pour se livrer aux pires excès. Sous la conduite du capitaine Hennequin, gendre du maire, une bande de ligueurs massacre dans leurs maisons un protestant, un apothicaire et le lieutenant du prévôt des maréchaux. Aussitôt, le Maire et les Echevins de Troyes publient « à son de trompe et cri publique par les carrefours de la ville pour en faire connaître à la population les causes et les résultats. Le Roi ayant dit comme il avait fait perdre la vie à Monseigneur le duc de Guise et que d’autres bons princes députés des provinces zélés a l’honneur de Dieu et au rétablissement de ce pauvre royaume y ont perdu la vie et qu’il se prépare encore de faire mourir ce qui reste de gens de bien détenus prisonniers... Le Maire et Echevins prennent les armes pour la religion catholique...». Le procureur Nicolas Petitpied, seigneur de Culoison, politique notoire, en correspondance avec Dinteville, qui a tout fait pour conserver la ville dans l’obéissance du Roi, est arrêté le 16 janvier 1589 et pendu le même jour sur le marché au blé, devant une foule menaçante. Le duc de Mayenne arrive à Troyes le 24 janvier et commence par destituer Dinteville. Sous son impulsion, l’Etat ligueur s’organise dans la ville. Il réforme la Justice à la tête de laquelle il met un éloquent et courageux avocat, Philippe de Vert. Ce dernier, ligueur de la première heure, entre au Conseil de Ville lors de son épuration par le Cardinal de Guise. Il est député du Tiers aux Etats de Blois où il joue un rôle important. Le Grand Prévôt, M. de Richelieu l’arrête, lorsqu’il envahit la salle des séances à la tête d’une troupe armée pour s’assurer des personnes des plus fidèles serviteurs du duc de Guise, sous prétexte d’un complot contre la vie du Roi. A son retour à Troyes, Philippe de Vert reçoit la charge de lieutenant-général, qu’il conserve jusqu’à la rentrée de la ville sous l’obéissance d’Henri IV. Le duc de Mayenne épure aussi le Clergé, il crée un Conseil de gouvernement où sont appelés à siéger le Maire et les Echevins, et il confirme leurs pouvoirs politiques et militaires presque sans limites. Pour garantir sa personne des dangers auxquels l’expose son rôle de chef militaire et civil, Nicolas de Hault obtient une garde de quatre hallebardiers et huit arquebusiers, et l’année suivante, il a de l’artillerie pour protéger sa maison. Les douze hommes de la garde du maire sont également utilisés au service de la sécurité de la Chambre de Ville. En août 1589, quand Henri III est assassiné à Saint-Cloud, les chefs de la Ligue croient venue l’heure du triomphe. Nicolas de Hault veut en profiter pour ramener à son parti les habitants de Châlons, qui, ligueurs de 1585 à 1588, sont rentrés en décembre sous l’obéissance du Roi. Mais, Châlons demeure fidèle à Henri IV, et devient le refuge de tous les royalistes troyens exilés. Fin octobre, le maire apprend que les ennemis veulent « faire entrer dans la ville plusieurs hommes de leur parti revêtus d’habits de paysans ». Il est informé d’une conjuration qui doit prendre la ville dans la nuit du 23 au 24 novembre. On doit s’emparer de lui, et c’est un des conseillers de ville, Noël Coeffart, sieur de Vermoise, qui est à la tête de l’affaire. Le maire propose au Conseil l’arrestation de Vermoise et de ses complices qui sont emprisonnés aux Cordeliers. Toutes ces agitations coûtent très cher. Nicolas de Hault avance de l’argent, mais il a bien du mal à se faire rembourser. Le maire s’occupe très bien de sa charge. Il se plaint « que la garde fait le guet de mal en pis et conclut qu’il faut frapper d’amendes ceux qui négligent ses ordonnances... ». Cela se conçoit, car de la bonne garde de la ville dépend sa sécurité. De Hault apprend le 18 décembre, que le Légat du Pape, le cardinal Cajetan, envoyé de Sixte-Quint, doit visiter Troyes du 9 au 12 janvier 1590. Il propose « de faire grandement les choses, et demande dix mille écus pour y réussir…». C’est une somme énorme, mais il faut savoir que le cortège du Légat compte quatre cents chevaux, et qu’un grand nombre de hauts personnages l’accompagnent. Pendant son mandat, le maire est aussi préoccupé par l’épidémie de peste. Le 16 février, de Hault propose une refonte complète du système d’enseignement, ce qui est d’autant plus méritoire, qu’à cette époque, la ville se débat dans les pires difficultés. Il veut aussi supprimer une partie des hôpitaux dont l’utilité lui paraît contestable, et sont mal tenus (à Saint-Bernard, le revenu est de 400 écus et il n’y a que 15 à 18 femmes qui vont mendier par la ville, l’hôpital de Saint-Nicolas qui est très grand, ne reçoit que quinze femmes !). Le conseil décide de doubler l’aumône, et « seront priés Messieurs du Clergé consentir et permettre prendre jusqu’à 2.000 deniers des decimes ». On voit que le Maire n’oublie pas qu’il est receveur des décimes et qu’il a trouvé là un moyen élégant de résoudre en partie cette question d’argent toujours si impérieuse lorsque l’on fait la guerre. Le 20 avril, le Maire fait travailler aux fortifications, principalement les chômeurs. Le 11 juin l’assemblée doit désigner le remplaçant du maire. Le duc de Mayenne fait « mander que vu la capacité, zèle et vertueux déportement du sieur de Hault, maire, et le devoir qu’il avait fait de sa charge dont il s’était heureusement acquitté, il désirait le voir continuer si tant le peuple fut du même avis. Le doyen Le Tartier, premier échevin, « requiert au nom de Dieu le sieur Dehault continue sa charge encore 2 ans attendu qu’il ne connaissait homme qui s’en acquitte mieux que lui, et que les autres échevins et conseillers de la ville de Troyes l’assisteraient en toutes choses a leur pouvoir ». De Hault accepte. C’est un véritable dévouement à son parti, il a dépassé la soixantaine, et il désire prendre du repos, et surtout, parce que la situation devient de plus en plus tendue au point de vue financier, et qu’il se trouve pris entre la nécessité de dépenser beaucoup, et la difficulté de trouver de l’argent. Il ne voit qu’un moyen : l’emprunt. Il fait donc décider que l’on demandera aux habitants aisés de la ville, tant ecclésiastiques que laïques, de prêter 10.000 écus.
Dès l’arrivée du cardinal de Guise, bon nombre de troyens ont quitté leur patrie, et plus de 300 familles se sont exilées, et de plus, en 1589, le duc de Mayenne a chassé tous ceux qui refusaient de prêter serment à la Ligue. Enfin, en 1590, les femmes des suspects ont été à leur tour expulsées, afin qu’elles ne puissent renseigner l’ennemi. Tout ce monde regrette d’être ainsi hors de son pays et de sa maison. Le 17 septembre 1590, vers trois heures du matin, un coup de main est tenté sur Troyes, et plusieurs milliers d’hommes occupent par surprise, presque sans coup férir, le quartier bas. Le maire prend la tête des défenseurs de la porte de Comporté, fait vaillamment usage de ses armes, et, aidé de plusieurs valeureux bourgeois et même des femmes du quartier, met l’ennemi en fuite. Cette défense énergique empêche les troupes de déboucher dans le quartier haut. Repoussées, elles se replient en désordre et s’enfuient honteusement. La conséquence immédiate de cette échauffourée est d’irriter violemment la population qui se venge sur les amis de ceux qui ont fait le coup de main. Avant que les autorités ne rétablissent l’ordre, elle se porte sur les prisons et y massacre 37 détenus, puis se rue sur les maisons particulières où sont enfermés les prisonniers de distinction. Plusieurs captifs périssent d’une manière affreuse : « les coquins ayant forcé les gardes du seigneur de Saultour le tuèrent de sang froid... les corps morts de ces gentilshommes furent trainés ignominieusement par toute la ville... la graisse du sieur de Saultour tirée, son coeur arraché... et le tenant entre ses mains sanglantes et impures dit qu’il en voulait manger, et le mâcha... ». Le lendemain, de Hault rassemble son Conseil et envoie des patrouilles pour empêcher le menu peuple de s’assembler, mais il est trop tard. Le Conseil de ville décide de faire célébrer un service pour rendre grâces à Dieu d’avoir été délivré de ses ennemis le jour de la Saint-Lambert. C’est sans doute l’origine du proverbe troyen : « C’est aujourd’hui la Saint-Lambert, qui quitte sa place la perd ». Deux jours après, le maire convoque ses capitaines et lieutenants pour leur montrer que les premiers succès de l’ennemi se sont produits « par le défaut de garde et du départ subit des sentinelles qui étaient sur la muraille... Il faut rendre plus dure la condition des étrangers, soupçonnés de vouloir incendier la ville… ». Le maire déclare le 15 novembre, qu’il est informé « des machinations que trame l’ennemi » et il fait décider que les vagabonds doivent quitter Troyes avant midi, « sous peine de perdre la vie, et que l’on fera dès le lendemain une recherche générale des étrangers, et tous ceux qui en logent sont tenus de les déclarer et leurs voisins de les dénoncer, à peine de punition corporelle ». Le 14 décembre, il va encore plus loin et « fait défense à tous les hôteliers, cabaretiers et taverniers de loger ni retirer en leurs maisons aucune personne qui ne soit de leur connaissance ». Ordres accompagnés très sagement de l’obligation de tenir de l’eau devant les maisons avec tonneaux…, de faire ramoner les cheminées et même de faire fermer la ruelle Maillard (la ruelle des Chats), pour éviter les inconvénients du feu dans ce lieu obscur et peu habité ». Le 11 mars 1591, de Hault décide qu’il est interdit à leurs hôtes de les laisser sortir en ville après huit heures du soir. A cette époque, le maire veut également éviter toute affaire de pédophilie à Troyes, et la Chambre de Ville « prie le doyen de Saint-Etienne pour que l’on ne voie plus tant d’enfants dans les maisons des chanoines de cette église, pour qu’il ne puisse y avoir scandale... ». Le 11 juin 1592, le peuple devait procéder à l’élection du Maire et prier Monsieur de Hault de continuer cette charge, car pendant 4 ans il a conduit avec prudence les affaires de Troyes, qui avait été bien administrée… le sieur de Hault a remercié l’assistance de cet honneur mais qu’il demandait de procéder à l’élection d’une personne qui ait la qualité requise. Le vote désigna Jean d’Aultruy, échevin, comme maire.
Placé à la tête de l’administration municipale à une époque où celle-ci se trouve démesurément grandie, jeté au milieu des troubles de la guerre civile et des plus grandes affaires politiques de son temps, Nicolas de Hault, « brave soldat, financier ingénieux, s’est tiré à son honneur des difficultés qui l’ont assailli ». Deux ans après la fin de son mandat, il continua de prendre part aux délibérations. Président des Trésoriers de France, Contrôleur général des Fortifications, il reste l’un des personnages le plus marquants de la Sainte-Union dans sa ville.
L’Edit et Déclaration du Roi sur « la réduction » de Troyes date du 10 mai 1594. A la fin de cette année, Nicolas de Hault est emprisonné pendant quelques mois. Mais les échevins de Troyes insistent auprès du Roi pour ne pas appliquer cet l’Edit, et le Conseil d’Etat rend, sur leur requête, le 26 avril 1595, un arrêt : «... Sa Majesté a fait inhibition et défense de mettre en procès les anciens Maire et Echevins qui ont eu charge pendant les troubles pour les choses passées, sous quelque cause et prétexte que ce soit... ». Nicolas de Hault sort de prison et est exilé dans sa propriété de Courcelles-Saint-Germain.En 1597, estimant que sa pénitence a assez duré, il se décide à présenter requête à monseigneur de Dinteville, pour être autorisé à rentrer à Troyes. Les Présidents, Procureur du Roi, Maire et Echevins, consultés par le Gouverneur, trouvent la requête de leur concitoyen juste et raisonnable, mais Dinteville hésite, craignant de déplaire au Roi. Le 20 mai, Nicolas de Hault reçoit l’autorisation de revenir chez lui « pour vaquer à ses affaires pendant le temps d’un mois a commencer du jour qu’il y sera rentré ». Le Roi, informé, écrit le 20 juin à monsieur Dinteville : « J’ai entendu que vous avez permis à Maître Nicolas de Hault l’entrée de ma ville de Troyes, qui lui avait été interdite quelque temps, pour la particulière affection qu’il portait a mon neveu le duc de Guise. Je crois que vous avez reconnu les actions et comportements dudit de Hault que j’entends avoir toujours été conforme à la fidélité, obéissance et affection qu’il est tenu de rendre au bien de mon service qui me fait vous mander maintenant que de tels soupçons peuvent cesser par l’assurance que j’ai de la fidélité de mon neveu… c’est un paisible citoyen, et ayant égard à son vieil âge, vous lui avez donné la permission de rentrer en ma ville de Troyes… ».
La date exacte de la mort de ce maire de Troyes n’est pas connue, sans doute vers 1598, car on trouve en 1600 un bail d’une pièce de terre souscrit par Anne Bazin veuve de Nicolas de Hault.
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