Aubois très célèbres



Abbé de L'Epée


         Vous allez me dire, mais ce prêtre célèbre n’est pas né à Troyes !

C’est vrai, mais il est mondialement connu, et était curé de Feuges, petite paroisse située à 12 kilomètres de Troyes.

Si l'option " langue française des signes " au baccalauréat est à l'ordre du jour, elle représente l'aboutissement d'une démarche initiée au XVIII° siècle par l'abbé de L'Épée.

Qui peut se vanter de le savoir ?

Charles-Michel de l’Epée naît à Versailles en 1712.

Il fait de brillantes études au collège des Quatre-Nations. Reçu avocat au Parlement de Paris, son passage au barreau est de courte durée.

Son père, architecte du roi, veut le voir prendre sa succession. Le jeune de l’Epée insiste pour entrer dans les ordres. Il étudie la théologie, montre beaucoup de ferveur, sans se départir d’une grande indépendance de principes.

Il paie cher cette indépendance qui multiplie les difficultés pour sa formation sacerdotale, et l’oblige même à dévier du but qu’il s’est proposé.

Au moment de recevoir la tonsure, il refuse de signer le formulaire du pape Alexandre VII, imposé au diocèse de Paris pendant les querelles du jansénisme : " Je ne peux admettre par serment, ce que je ne connais pas bien. " On renouvelle l’épreuve, mais le jeune théologien persiste dans son refus.

Tel est le premier incident de carrière qui précède et explique l’arrivée de de l’Epée dans le diocèse de Troyes. Notre diocèse attirait à lui des prêtres persécutés ailleurs comme Jansénistes. C’est ainsi qu’arrive à Troyes, en 1736, un jeune homme de 24 ans, qui devait plus tard, en dehors du sacerdoce, et sans quitter la robe, mériter le titre de Bienfaiteur de l’Humanité.

De l’Epée suit au Grand Séminaire de Troyes le cours de théologie et l’évêque de Troyes Bossuet, le nomme à la cure de Feuges. Son ordination a lieu en 1738, et il est nommé archi-diacre de Brienne en 1471. En 1743, à la mort de Bossuet, il s’installe à Paris, abandonne le ministère sacré, reprend sa liberté, et ne garde que le titre d’abbé.

Il rencontre un jour deux petites filles jumelles sourdes-muettes, et se rend compte que c’est avec des signes qu’elles communiquent. Il comprend les enjeux de la langue gestuelle, se met à étudier les fameux signes, à les coordonner, à les enrichir…

Ayant réuni les enfants sourds de plusieurs pensions de son quartier il conçoit de développer une langue gestuelle universelle que les malentendants de toutes les nations pourraient apprendre dans des Collèges. Il transforme sa maison de la rue des Moulins près du Louvre, en une école ouverte à tous les sourds -muets, et très vite, il a 60 élèves. Il organise des exercices publics destinés à faire connaître son travail.

Il sacrifie son patrimoine pour mener à bien son entreprise, mais ses revenus ne suffisant plus, il sollicite une dotation du Gouvernement. Louis XVI lui donne une somme annuelle sur sa cassette, et le duc de Penthièvre l'aide avec de larges contributions. L'empereur Joseph II visite l'école, et avec Catherine de Russie, lui envoie des éducateurs à former. La méthode de l’Abbé se propage rapidement à travers la France et dans toute l’Europe, et des institutions pour sourds-muets, suivant le modèle de l’abbé de l’Épée, s’ouvrent dans de nombreuses villes. Il a 19 disciples qui fondent 17 écoles. Il forme de nombreux maîtres qui portent sa méthode en Espagne, en Autriche, en Italie, en Hollande...

En 1790, le conseil des ministres affecte aux sourds-muets une partie du couvent des Célestins, et en 1791, l’élève au rang d’Institution nationale. C’est, en France, la première école gratuite pour les sourds-muets.
Un décret de la convention la transfère dans les bâtiments de l’ancien séminaire de Saint-Magloire qu’elle occupe encore aujourd’hui. C’est le début d’une législation qui fut suivie et complétée dans la suite, pour assurer le fonctionnement d’un service dont l’utilité était officiellement reconnue.

L’Etablissement de l’Abbé de l’Epée vit péniblement jusqu’au jour où l’Assemblée Nationale réglemente son organisation par une loi qui, en même temps, décrète que " le nom de l’Abbé de l’Epée serait inscrit parmi ceux des bienfaiteurs de l’Humanité ". Ce document de 1791, consacre les mérites de l’Abbé.

Tour à tour, la Constituante, la Législative, la Convention nationale, le Corps législatif et le Directoire ne prennent pas moins de 12 décrets concernant les pensions accordées aux élèves des établissements des sourds et muets et des aveugles nés, l’institution d’une école à Bordeaux, l’attribution de locaux tant à Bordeaux qu’à Paris...

L’anniversaire de l’abbé de l’Épée, bienfaiteur des sourds, donnait l’occasion à l’élite sourde du milieu du XIX° siècle de se réunir pour des banquets où les idées s’échangeaient en langue des signes et où furent présentées de longues listes de réussites sociales de sourds.

La statue de l’abbé de l’Epée se trouve dans la cour d’honneur de l’Institut national des jeunes sourds de Paris. Il demeure très vénéré dans le milieu sourd bien au-delà des frontières françaises. Il existe d’innombrables bustes et statues, des gravures et même un timbre à son effigie. On dit que son tombeau attire encore aujourd’hui de nombreux visiteurs à l’église Saint Roch à Paris.

Par décision du 28 juin 1961, le Conseil municipal de Troyes donne le nom de l’Abbé de l’Epée à une rue.

 

 

 

 

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