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Les ruines de La Vacherie


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J’ai un peu honte ! Depuis de très nombreuses années, ce titre, lu à plusieurs reprises, ne me disait rien, car je connais bien ce quartier de La Vacherie avec sa petite chapelle, et je n’y avais jamais vu de ruines, mais seulement regardé la reproduction sur d’anciennes cartes postales. Je ne m’y étais donc jamais intéressé. Aujourd’hui, par curiosité, après quelques recherches, et étude des cartes postales, je vais enfin combler cette lacune, et sans doute, il en sera de même pour vous.

          A la fin du XIX° siècle, les frères Bourgoin étaient propriétaires d’une parcelle dans le quartier de La Vacherie, dont ils tiraient du gravier. Auguste livrait ce gravier, par d’incessants va et vient entre le faubourg Croncels où il résidait, et La Vacherie où il avait son chantier. Marchand « de grèves », camionneur et voiturier, Auguste Bourgoin était également récupérateur de matériaux.

La municipalité Delaunay décida en 1892, de débarrasser la ville des gravats épars qui l’encombraient. On voulait en finir avec la malpropreté des rues, et le voiturier Auguste Bourgoin fut contacté pour ramasser les tas d’ordures, disposés devant les maisons, à la merci des chiens. Au début, on ne récoltait que le plus épais, puis on continua à raison de quelques jours par semaine. Enfin, on en arriva à une tournée régulière et quotidienne. Avec leurs attelages, traînés par de solides percherons, sans cesse en mouvement, les Bourgoin débarrassaient les chantiers des décombres qui les envahissaient : plâtras, pierres et briques cassées, dont le chantier de démolition de la célèbre Halle au Blé (bâtiment imposant, qui occupait la moitié de la place de la Préfecture). Ils possédaient à La Vacherie, rue du Grand Véon, des terrains destinés à remplacer leurs trous à grèves,  quand ceux-ci seraient épuisés. Les matériaux récoltés dans les démolitions et dans les rues s’y entassaient. Ils ne savaient qu’en faire. Auguste Bourgoin était un travailleur acharné, il ne pouvait pas voir ces matériaux de rebut sans vouloir les employer à nouveau.

Dès 1880, l’accumulation des matériaux les plus hétéroclites donna à Auguste l’idée d’un réemploi possible. Il fit des essais pendant 5 ans, commençant des constructions qu’il démolissait peu après. Il put ainsi se rendre compte de la difficulté du métier d’architecte bâtisseur. Perfectionniste, il en vint à tracer des plans où la place de chaque brique était indiquée d’une manière précise. Démarré véritablement en 1896, le « chantier » Auguste Bourgoin compta jusqu’à 16 édifices construits avec un soin extrême, sans mortier. Les briques étaient simplement calées avec des petits morceaux d’ardoise ou de tôle, et, malgré cette technique pourtant rudimentaire, les tours des « Ruines de la Vacherie » présentaient des arrêtes parfaites et bien rectilignes. Cette appellation de « ruines », prête d’ailleurs à confusion, puisqu’il ne s’agit pas des ruines d’un château, ou de constructions destinées à imiter des ruines véritables. Les édifices construits par Auguste ne présentaient aucune ressemblance précise. Leur seule utilité était de faire goûter au plaisir du rêve. C’est sans doute parce qu’il utilisait des matériaux provenant de démolitions qu’il décida de baptiser son œuvre : « Les ruines publiques : fin de siècle ».

Construites sur une base carrée, les tours se terminaient par une pyramide plus ou moins affilée. Les plus anciennes sont datées de 1898 et 1899. Elles comportent des échauguettes aux 4 angles. L’une est décorée d’un rang de coquillages plats. Fichées dans la masse, on peut y observer également 1 girouette et 1 balance. L’une est creusée à 2 m du sol de 2 petites niches abritant les bustes de Mars et de Minerve. Ces 2 tours étaient réunies en haut par une sorte d’horloge dont le cadran était « éclairé » par une vieille lanterne. Les aiguilles, immobiles, marquaient 11 h 45. Par endroit, plaquées à même la brique, des roues de wagonnets qui transportaient le gravier jusqu’à l’entrée de la propriété. Sur d’autres tours, dont certaines portent des dates précises (1898,1999 et 1900), on peut remarquer des gibernes de gardes nationaux, associées à des inscriptions sur la guerre de Crimée, 2 hallebardes, 1 morceau de canon avec 1 boulet coincé à l’intérieur, 1 enseigne de buraliste, des bouteilles au sommet d’une pyramide, 1 petite pelle de foyer, des pincettes et 1 plaque de cheminée. On constate aussi la présence d’un certain nombre de statuettes : Bonaparte dominant le monde, Garibaldi à cheval, 1 chinoise et 1 berger, la Vénus de Médicis, Jeanne d’Arc, réservée à la plus haute des tours (10 m, avec des inscriptions apparaissant dans certaines pierres : Domremy-Troyes, Orléans-Reims).

         L’endroit devint un but de promenades pour les Troyens, attirés aussi par le « Bal des Lilas », très fréquenté en fin de semaine.

         Le terrain était entouré d’une clôture comportant des poutres provenant de la Halle au Blé. Dans une baraque rudimentaire, Auguste logeait ses outils et ses trouvailles les plus précieuses. Accrochés aux planches des parois, les objets les plus hétéroclites : bidon, sabots, crémaillère, fil à plomb… Au milieu de toute cette brocante, des vestiges plus intéressants provenant des gros chantiers troyens (achèvement de la Collégiale Saint-Urbain, restauration de l’Hôtel de ville).

1 photographie publiée dans l’Almanach du Petit Troyen de 1899 nous montre un groupe de 12 cyclistes posant au milieu du terrain. , et un pittoresque tricycle, attelé à 1 remorque dans laquelle, il y a 2 élégantes.

Sur le terrain il y avait une pancarte où était écrit : « Souvenir de 83 ans de travail » (il additionnait les années consacrées par son père et par lui-même).

         La propriété Bourgoin a été morcelée et vendue pour construire des maisons individuelles     

Ce récit est dû aux cartes postales illustrées, devenues la mémoire populaire.          

 

 

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