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Vicomtesse Victoire des Réaulx


CHATEAU DE BRANTIGNY
CHATEAU DE BRANTIGNY

Mon ami Robert Poisson de la Société Académique de l’Aube se propose de nous parler de la Vicomtesse Victoire Des Reaulx. Je lui laisse la plume.

 

Une grande dame : la Vicomtesse Victoire Des Réaulx.     

 

Victoire est la fille de la jeune veuve de Monsieur de Lagarigue de Savigny de Rocourt, officier dans les armées navales.

 

Elle a « un caractère », aussi boude-t-elle les partis qu’on lui présente et qui ne répondent pas au type de mari idéal qu’elle cherche.

 

Ce n’est qu’à l’âge de vingt-trois ans, en 1780, qu’elle se décide à épouser le Vicomte des Réaulx. Il est riche, attentif et chevaleresque. Ils partagent leur existence dans un cadre luxueux entre Paris et Brantigny.

 

Rappelons que Brantigny était un domaine gallo-romain possédé par Brantinius avant le III° siècle. Ce village dépendait pendant l'Ancien régime de l'élection de Troyes.

La Révolution éclate.

À Paris, elle trouve sa mère épouvantée par les mouvements de la rue, et lui dit qu’il est temps d’abandonner son hôtel, qu’il leur faut désormais se diriger vers la frontière.Bien lui prend, l’aïeule, Marie de Meuves comtesse des Réaulx, octogénaire, sera arrêtée et mourra en prison de la petite vérole. Le « Grand marquis », seigneur de Bucey, après quelque temps à Londres revient en France, est arrêté à Fleurigny, conduit à Paris, et guillotiné douze jours avant Robespierre.Donc, Victoire, sa mère, sa tante et deux enfants se dirigent vers la frontière allemande. Elle retrouve son mari à Coblence, engagé dans l’armée des Princes. C’est là que, comprenant alors que l’émigration ne serait point l’affaire de quelques semaines, elle décide de se fixer à Londres.Elle ouvre sa maison à ceux de ses compatriotes qui ne savent où être hébergés. « L’énergie de son caractère, son inépuisable gaieté, la sûreté de son jugement, lui créent de nombreux protecteurs et de nombreux obligés ».

 

Elle participe à des travaux de broderie, recrute les petits talents. C’est ainsi que, dans son entourage, chaque émigré devenait artisan, ce qui lui permettait d’alimenter une sorte d’entrepôt, patronné par la marquise de Buckingham, où étaient vendus les objets fabriqués. Le séjour londonien dura douze années.

 

Un trait de son énergie : des aristocrates anglais auraient voulu alléger sa tâche en adoptant son fils Adolphe, afin de lui donner une éducation analogue à celle de leurs propres enfants. Elle décline l’offre : « Je vous remercie, mais jamais je ne me séparerai de mon fils. Chez vous, il aura dix laquais pour le servir, chez moi, il cire lui même ses souliers. Qui me dit qu’une fois rentrés en France nous ne trouverons point la misère, et que, sortant de vos demeures somptueuses, il n’aura point l’affligeante obligation de reprendre ses brosses et son cirage ? ».

 

En 1802 les Réaulx retrouvent la France. C’est à ce moment que se produit une rencontre qui illustre bien le caractère de Victoire des Réaulx. Descendue dans un modeste logis de la rue Garancière, elle reçoit la visite d’une cousine comme elle, originaire des îles, mariée à un aristocrate, perdue de vue depuis longtemps. Il s’agit de Joséphine Tascher de la  Pagerie. Mariée à François de Beauharnais, elle a été emprisonnée et son mari guillotiné. Après Thermidor, en 1796,  Joséphine de Beauharnais a  épousé Bonaparte. La jeune veuve voit aussitôt s’ouvrir les portes des salons à la mode. Victoire a devant elle Madame Bonaparte et sa fille Hortense. Joséphine peut tout. Elle le laisse entendre à sa cousine, mais Victoire ne veut rien devoir à celui qu’elle considère comme l’usurpateur. Les relations qu’elle consentit à reprendre avec la future impératrice ne revêtirent donc d’autres formes que celles de la plus simple intimité.

 

À quelque temps de là, Victoire des Réaulx et son mari se retirent en Champagne, dans leur domaine de Brantigny, à peu de distance de Coclois où vit toujours la mère de Monsieur des Réaulx, âgée de 92 ans. La famille renoue avec les Brienne qui donnent le ton dans la contrée. Victoire continue avec eux ses anciennes relations, mais comme elle dit : « en place de mes carrosses, je n’avais conservé qu’une simple vinaigrette (ancienne voiture à deux roues, dotée de ressorts, analogue à la chaise à porteurs) et c’est dans cette méchante voiture que je les allais visiter sans vergogne ».

 

Veuve en 1806, elle va vivre dans une retraite consacrée aux bonnes oeuvres.

 

En 1814, au soir de la bataille de Brienne elle reçoit la visite de l’un de ses parents, rallié à l’Empire, Monsieur de Mesgrigny, chambellan de Napoléon, qui lui dit le péril dans lequel elle se trouve. Il raconte la bataille et lui annonce que l’Empereur veut se replier sur Brantigny et prendre ses quartiers chez elle.

 

« C’est un imbécile ! répond aussitôt Madame des Réaulx. Brantigny est un bas fonds dans lequel toutes les forces ennemies tomberont sur lui. Je suis royaliste mais je ne veux pas être responsable d’un pareil désastre ».

 

Le temps passa, les Bourbons étaient revenus, Louis-Phippe leur succéda, puis encore une République, la seconde, et un Second Empire.

 

Combien de régimes aura-t-elle connus, toujours fidèle au souvenir de Louis XVI ?

 

Elle demeurait tour à tour à Brantigny ou à Troyes, où elle prenait ses quartiers d’hiver.

 

Fragile dans son enfance, elle était toujours boiteuse et contrefaite, mais d’un heureux caractère, d’une santé florissante. À l’égard de ses petits-enfants, elle avait conservé le ton d’autorité de l’Ancien Régime et ne tolérait aucune infraction à l’étiquette. La conversation des douairières troyennes ne la passionnait pas : « Par ma foi, mes contemporaines tombent chez moi aux premiers jours de beau temps comme les mouches aux premiers rayons du soleil. Lâche m’en une ici, deux au plus, disait elle à son valet de chambre, et ferme la porte aux autres… ».

 

Impatiente, elle n’avait pas supporté qu’un prédicateur troyen évoquât sa piété et sa bonté lors d’un sermon et l’avait vivement rabroué.

 

La vicomtesse Victoire des Réaulx, une grande dame du XVIII° siècle, mourut dans sa quatre-vingt-dix-septième année, en 1853, sous le règne de Napoléon III.

          J’ai retrouvé le sceau ci-contre : un lion léopardé à figure humaine, dans un écu soutenu par des sauvages, surmonté d’une couronne de marquis et de la devise HUMANUS UT FORTIS. Il s’agit du sceau de François-Louis des Réaulx, le beau père de  Victoire seigneur de Bucey-en-Othe, en procès interminable avec les habitants à propos de l’usage des bois.

Les Réaulx étaient alliés à la famille de Marolles, dès le début du XVII° siècle, et à la puissante famille des Mesgrigny qui possédait Bucey-en-Othe.


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