La Politique



Un complot en 1430


Lorsque la ville eut fait obéissance au roi Charles VII en 1425, il fallut que les marchands drapiers ou épiciers, les tisserands, les tanneurs… prennent la charge de défendre Troyes contre le duc de Bourgogne et les Anglais.

         Il y avait bien une solution pour y échapper : accepter la garnison d’hommes d’armes, pillards, dépensiers et colériques. Alors, que de dangers et de dépenses !

Non, les bourgeois de Troyes tenaient leur privilège « d’ancienneté » de se garder eux-mêmes.

Ainsi, le procureur de la ville, Pierre d’Armentières, 45 ans, ancien sergent monté en grade grâce à ses sympathies bourguignonnes. Sa maison, l’hôtel de Chaumont, près de la Cour de Rome, témoigne de son importance. Mais depuis, il a juré obéissance à Charles VII. Et pourtant, il regrette le temps passé où il était aussi clerc et receveur de la ville, et où on l’appelait « chevalier ».

         Dès 1429, les notables se sont réunis et ont révisé les listes des habitants de la ville : « sizainiers » ou « homme de fer », « dizainiers » ou « homme de pourpoint ». La différence tient seulement dans l’équipement : les hommes de pourpoint, les plus pauvres, devront s’armer à leurs frais ou à ceux de la ville, d’un épieu, d’un maillet de plomb. Les hommes de fer, de pertuisanes (lances de fer), javelines, arbalètes, haches d’armes et épées. Quelques-uns sauront manier les « plomées » et les couleuvrines (ancêtres du mousquet), les premières armes à feu. Pour se protéger, ils portent une cuirasse, une salade (casque), des gantelets.

Ainsi, chaque habitant jusqu’à 50 ans possède son petit harnachement personnel, de même que les prêtres, et même le chapelain de l’Evêque (qui peut cependant se faire remplacer par un valet). Ne sont exemptés que les gens trop pauvres ou impotents.

Chacun doit entretenir ses armes en bon état et savoir s’en servir.

         Un tour de rôle est établi et affiché aux portes. En « cas d’effroi », toutes les 2 heures, par jour et par nuit, la garde sera renouvelée aux portes et sur les remparts, tandis que sur le Beffroi, le guetteur signalera les approches suspectes. D’autres fois, le tour est de minuit à l’Aube, de l’aube au soir, du soir à minuit. Et, s’il faut, on double le guet, guet de jour, garde de nuit, et rondes dedans et dehors la nuit. Pour se reconnaître sur les murs la nuit, les gens de Troyes portent « la croix droite », la croix Armagnac.

         Ceux qui ne se rendent pas à leur tour de garde, seont passibles d’une amende assez lourde.

         Dès qu’un étranger est signalé, pendant quelques jours, toute la ville est sur pied.

Les boulangers cependant, ont obtenu de ne monter la garde que la nuit.

Au matin, si tout va bien, les « pardessus » ou gardiens des portes, vont entendre la messe très tôt, et ouvrent chacune des grandes portes : Preize, Croncels, Saint-Jacques, la plus difficile à garder.

Les étrangers venant de Bourgogne doivent rester hors de la ville et y recevoir là leurs visiteurs troyens.

Pour surveiller ces « pardessus » appointés, il y a les membres du Conseil de Ville, qui ont la responsabilité des clefs. Mais, qui a payé ces portiers pendant 10 ans ? Qui a été en relation avec eux ? Le receveur et procureur municipal, Pierre d’Arrentières !

         C’était un cas de conscience pour lui, ancien officier du duc de Bourgogne. Le roi, dans sa magnanimité, avait fait savoir que ceux qui n’étaient pas de son parti, pouvaient quitter la ville. Mais Pierre d’Arrentières a ici sa fonction, sa maison, sa femme Jeannette… Il est resté ainsi que son ami Gilles le Gras.

Quelle tentation les a poussés ? S’aboucher avec les Bourguignons du dehors était facile, et aussi leur promettre l’ouverture clandestine des portes. Le procureur pouvait mettre la main sur les clefs et faire taire les gardiens.

         Mais le complot, à peine né, fut découvert, les portiers remplacés par des notables, et Pierre d’Arrentières, qui n’avait pas pu se résigner à ne plus être un notable bourguignon important, a été en 1430 « exécuté à mort » avec son complice.

         Le Conseil de Ville évita le plus possible d’évoquer « feu Pierre d’Arrentières » et sa veuve Jeannette, presque dans la misère, vécut longtemps dans le quartier de Comporté, tandis que le duc de Bourgogne, réconcilié avec Charles VII dès 1435, permettait l’arrêt d’une guerre si désolante. 


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