Les Crimes


Le drame du central téléphonique de Troyes


6 mai 1965, 15 h 35 : le central téléphonique est une ruche bourdonnante.

15 h 40 : il devient un stand de tir !

La tristesse succède à la joie, l’affolement à la surprise.

En 5 minutes, 7 années de discorde ont raison d’un moment de folie…

" Tout a été si rapide, rappelle Mme Andrée Mailloux, que je n’ai pas eu le temps d’intervenir. Lorsque je me suis retournée, j’ai aperçu ma collègue allongée sur le sol. J’ai crié…". Un cri aigu bientôt couvert par d’autres coups de feu, des plaintes vite étouffées par le bruit sec d’une troupe en déroute… Tout est si rapide… Certes, nul ne peut prévoir qu’un drame va se jouer dans l’étroite salle du " central ".

Quelques minutes plus tôt, les brigadières prennent leur service. Au vestiaire, elles prennent leur casque personnel, elles signent le registre sur le bureau de la surveillante principale, avant de s’installer au " meuble ". Parmi les nouvelles venues, une petite femme souriante et détendue se glisse derrière la " position renseignements ". Jocelyne Bordier tourne le dos à ses collègues. Seule avec ses " jacks ", elle surveille le tableau lumineux sur lequel aboutissent les demandes de renseignements. Derrière elle, 12 téléphonistes, sur la gauche, une porte de service en partie dissimulée par un paravent.

C’est de derrière cet écran que va surgir le criminel.

" Nous venions de prendre notre service lorsque j’ai entendu des coups de feu. J’ai cru qu’il s’agissait de pétards ", dira un témoin. En même temps, 12 regards s’attardent sur une forme sans vie… " Nous avons pensé qu’on tirait sur les standardistes… Nous avons aussitôt donné l’alerte…".

Comme pour un hold-up, on actionne le dispositif : une ligne directe avec le commissariat central. Une sonnerie grêle retentit au poste de police. En toute hâte, 10, 20 gardiens de la paix, armés de mitraillettes, s’engouffrent dans les voitures et foncent vers le bureau de poste. En quelques secondes, tout le bâtiment bordant la place du Professeur Langevin et la rue Jean-Louis Delaporte est bouclé.

Mais il est déjà trop tard.

" Quand nous sommes arrivés dans la salle, 2 corps étaient étendus : celui de la victime et celui de son assassin ", précisera l’officier principal. Le meurtrier n’est autre que le mari de Jocelyne.

Elle est née en 1935, lui en 1930. Elle fait connaissance dans un bal de ce jeune facteur, et se marie en 1954. Ils s’installent rue Anatole France dans un logement coquet.

Mais Roger est un homme faible, à l’esprit chancelant. A deux reprises, il lui faut séjourner dans un hôpital spécialisé. Là, il reçoit la visite de sa femme qui le réconforte et facilite sa réadaptation.

Tu n’as pas dû t’ennuyer pendant mon absence ? " interroge le mari. Jocelyne fait tout pour le convaincre de sa fidélité, mais ses témoignages ne dissipent pas les craintes du postier : " Dis-moi que tu me trompes ! Avoue-le ! ".

Comment Jocelyne peut-elle faire un tel aveu, elle qui n’a de regard que pour son mari, elle qui ne vit que pour son Roger ? Mais Roger Bordier est convaincu de la culpabilité de la vertueuse Jocelyne.

Aux reproches injustifiés s’ajoutent bientôt des menaces intolérables. Le commissariat de police croit bon de retirer à Roger le revolver qu’il détient. On le convoque, on le sermonne, et on saisit l’arme. Toutefois, les policiers notent qu’il ne restitue que 49 cartouches au lieu de 50. Roger se confond en excuses, soutenant qu’il a égaré la balle manquante.

Suite à son hospitalisation, il a été dispensé du service de nuit. Il bénéficie d’horaires réguliers au centre de tri du bureau-gare. Mais il se montre toujours aussi désagréable avec son épouse. Tant et si bien qu’on murmure sur le passage du couple : " Tôt ou tard, ça finira mal ! "

 

Jocelyne décide d’engager une instance en divorce, et quitte de domicile de Roger, pour s’installer avenue Edouard Herriot. Toutefois, elle n’abandonne pas complètement son mari. Elle accepte de le revoir, pour l’aider, pour le réconforter moralement. Ses collègues l’incitent à la prudence : " Tu n’as pas peur de retourner chez lui ? ".

 

Ce 6 mai, Jocelyne prend son travail à 13 h 30. Roger débute à la même heure. Mais, au lieu de se rendre au bureau-gare, il se dirige vers la poste centrale. Il connaît les lieux. Il sait que son épouse est affectée au central téléphonique.

Il pénètre dans les locaux, franchit la porte de service et, là, derrière le paravent, il remarque la silhouette de sa femme. Posément, il arme son 22 long rifle. Il vise la brune chevelure qui lui tourne le dos. Il appuie sur la détente. Les balles crépitent. Trois atteignent la jeune femme, deux se perdent aux pieds des téléphonistes.

 

Quand on constate qu’un meurtre vient d’être commis en présence de 12 opératrices, quand on donne l’alerte, Roger retourne l’arme contre lui. Il se loge deux balles dans la tête.

Roger et Jocelyne décèdent à quelques heures d’intervalle, alors que les téléscripteurs annoncent le verdict d’un meurtre commis par un autre postier : le crime de Raymond Martin, condamné à 10 ans de réclusion par la Cour d’assises de l’Yonne pour l’assassinat de la belle Liliane.

 

Roger, lui, a préféré la mort à la justice des hommes.

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