C'est notre histoire



La Belle-Croix de Troyes


  "Au nombre des ouvrages remarquables qui sont la gloire de l’art troyen, se dresse, sans conteste, la Belle-Croix de Troyes, en métal doré. La matière qui la composait, la multiplicité des figures de ronde bosse qui l’enrichissaient, sa       grande dimension, en font un monument hors ligne, capable de fixer le regard le plus mobile et de frapper l’esprit le plus indifférent ".

         Le feu de 1188 violent et terrible dévore la moitié de la cité. Une première croix est édifiée non loin où il s’arrête, en action de grâces " pour la préservation céleste d’une portion de la ville ". Elle est construite en pierre dure, et garnie d’images. Elle tombe un jour en ruine et est démolie.

En 1474, il est question de sa reconstruction. En 1484 le conseil décide la réédification, et c’est en 1495 qu’elle est dressée sur l’esplanade de la maison commune, notre place de l’Hôtel de Ville.

  "C’est incontestablement l’un des plus grands et des plus beaux morceaux que la sculpture ait exécutés en bronze. Plusieurs statues de grandeur naturelle, peintes de couleurs brillantes et comme sur le vif, concouraient à son ornementation dans un système général de colonnettes, de pinacles, d’arabesques, de guirlandes de fruits, de rinceaux de feuillages, qui se détachaient des pièces principales à l’aide d’une fonte légère ". Au bas de la croix, on voit une figure de femme agenouillée et tenant le piédestal embrasé, c’est celle de Madeleine. Au dessous, 2 branches courbes terminées par un chapiteau portent chacun une statue, celles de la Sainte-Vierge et de saint Jean. Les autres statues qui décorent le monument sont celles des 9 prophètes, de saint Pierre avec ses clefs, de saint Loup avec sa crosse et son épée, de saint Louis et même celle de Mahomet…". Le monument a une hauteur de 36 pieds.

A peine achevée, la Belle-Croix acquiert une réputation de miracles qui se répand au loin. Les pèlerins accourent de tous côtés pour avoir santé et guérison. L’affluence est si grande qu’il faut modérer cet entraînement. Le 9 juin 1500, le gouverneur de Champagne croit devoir intervenir : " depuis 3 semaines surtout, la nuit comme le jour, il est impossible de passer et de circuler sur la place. L’assistance fait là ses ordures et immondices, tellement qu’il s’y engendre si grand punaise et infection qu’on n’y peut plus durer ". La sécurité n’y est même pas entière, à cause des mauvais garçons qui, nuitamment, hantent et fréquentent la place de la Belle-Croix. Des vols aussi sont commis, pour comble, la morale est compromise car " les filles et femmes sont en danger d’y être déflorées, perdues et gâtées ".

L’échevinage décide qu’il sera défendu, par cri public, à tous, pèlerins, malades, mendiants et autres personnes venant à la Belle-Croix, d’y rester plus d’une demi-heure à faire leurs dévotions. En outre tous doivent quitter la place à 10 h du soir et aller loger dans leurs maisons ou dans les hôpitaux. Personne ne peut y revenir avant 3 h du matin. Les contrevenants sont menacés d’amende arbitraire et de prison.

Mais cela n’empêche pas l’élan qui porte les populations vers la Belle-Croix. Comme avant, c’est le rendez-vous de tous ceux qui ont quelque grande grâce à solliciter. Les rues et les allours (espèces de galeries) qui bordent la place ne désemplissent pas des malades qui sont amenés de tous côtés sur des charrettes, et qui recouvrent la santé " par la vertu que Dieu a mis ès saintes reliques " contenues en la Belle Croix. Les boiteux, les aveugles, les paralytiques viennent faire une neuvaine au pied de cette croix. Ils y sont nuit et jour, récitant prières et oraisons. La neuvaine terminée la guérison s’effectue : les aveugles voient et les boiteux ou paralytiques, jettent loin leurs béquilles, s’éloignent d’un pas ferme en chantant des Alleluia. Les prodiges s’accomplissent sous les yeux des solliciteurs et contribuent ainsi à inspirer une entière confiance à tous, même à ceux qui ne reçoivent pas la faveur espérée. Et tous s’en vont en colportant avec enthousiasme les merveilles dont ils ont été témoins.    

         Vers 1530,1540, des restaurations sont nécessaires : " il devient urgent de raccoutrer et redorer la Belle-Croix, à moyen qu’elle ne montre piètre et n’est à présent en état tel qu’il appartient ".

En 1560, la Belle-Croix retrouve " son pouvoir merveilleux, son antique splendeur. Le peuple des villages y arrive chaque jour en procession et en grande abondance ". Le 2 juin 1561 et les jours suivants, il y a au moins 12 miracles : impotents, aveugles, paralytiques, manchots, tous sont guéris, jusqu’à un enfant " mort né qui eut vie et fut baptisé ". Fin août, " plus de 4.000 personnes, étrangers et forains non résidents à Troyes, tant huguenots que catholiques affluent pour les miracles faits par la vertu de Dieu… tantôt, la Belle-Croix est rouge comme le feu, tantôt elle devient blanche comme la neige, ou bien inde ou perse… soudain on entend le pilier soutenant l’édicule claquer comme s’ils eussent été dans le feu… d’autres fois, ils rendent l’eau de toute part à grosses gouttes…". La population, à la vue de cette merveille fait des processions et il y a beaucoup de guérisons : " tels malades et impotents de leurs membres s’en retournent sans bâton et à leur aise… des muets et aveugles recouvrent l’usage de parler et de voir clair…". A la vue de ces miracles, plusieurs huguenots reviennent à l’église catholique.

Le 21 juillet 1562, 3 orfèvres qui chantaient des psaumes catholiques au pied de la Belle-Croix, furent injuriés par un huguenot. Ils le tuèrent !

Ce monument est endommagé par l’ouragan du 5 décembre 1584 : " il n’en resta que la hauteur d’un homme ". Après cette chute, " les images, crucifix, et l’image de la vierge sont mis au trésor et archives de la ville en attendant le rétablissement en 1585 ". L’aumônier de Henri III offre à cette occasion, plusieurs reliques, données par le roi lui-même.

Ce monument est la première œuvre d‘art qui, à Troyes, est emportée par la tempête révolutionnaire, par arrêté du 26 septembre 1792 : " la Belle-Croix doit être déconstruite. Ces monuments élevés dans des temps reculés présenteraient des objets de plus grande utilité par leur fonte et conversion en canons ". Les 8.142 livres de métal étaient impropres à la fabrication des armes. Le 20 novembre on vend au plus offrant et dernier enchérisseur les débris de ce qui avait été l’un des plus riches joyaux de Troyes.

Sur l’emplacement de la Belle-Croix, on planta un arbre de la liberté, qui ne tarda pas à périr.

 

 

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