Les Crimes



Louise Fleuriot ou le "Beau Toquat"


Comme Victor Hugo pour Claude Gueux, notre écrivain local Louis Ulbach, militant de l'abolition de la peine de mort, s'inspire du cruel destin d'une jeune bergère auboise pour en faire l'héroïne de son combat. En 1881, est publié en deux volumes La Fleuriotte.

Je vais rétablir la vérité, en racontant l'histoire vraie, dont s’est inspiré l'écrivain.

Le 8 janvier 1785, naît à Daudes (commune de Montaulin), la petite Louise Fleuriot.

C’est une belle jeune fille, habituée aux rudes fatigues des travaux agricoles, surnommée " Le beau Toquat ", du nom de cette coiffure en dentelle en forme de roue portée autrefois par les paysannes des environs de Troyes. Elle entre au service des époux Honnet, fermiers de M. de Courcelles, commune de Clérey. Comme elle a su plaire à tous les habitants de Lusigny, elle plait encore à ses maîtres. Son intelligence, ses bons services, sa beauté native, ses grâces naturelles, lui gagnent l’affection de tous. Sa seule ambition, consiste à paraître la plus belle et la mieux coiffée, et elle consacre la meilleure part de ses gages à un beau toquat surmonté d’un magnifique éventail de dentelle, véritable diadème.

Le 15 février 1808, en pleine nuit, une lueur rouge empourpre les lieux autour de la ferme de Courcelles, où le feu vient d’éclater. La rapidité de l’alerte et la promptitude des secours permettent qu’il n’y ait qu’une meule de paille et une partie de l’étable ravagées par le feu.

Louise Fleuriot, pendant cet incendie, paraît ne pas s’occuper de ce désastre, qui aurait pu devenir considérable.

Dès le lendemain, et pendant les jours qui suivent, Louise parait réfléchie, triste et inquiète. Elle répond à M. le Maire, qui s’interroge sur la cause de ce changement : " On a dit bien des raisons, mais, d’ici quelques jours, on en dira bien davantage encore ! "

Le 22, à 5 h du soir, le feu se manifeste au même endroit, mais cette fois, l’élément destructeur sévit avec fureur. Le toit de la grange s’écroule, et l’étable devient le foyer d’un autre incendie. Tout le monde attribue cette catastrophe, à une malveillance calculée. D’après les investigations de la justice, il résulte " que les incendies ne sont, à n’en pas douter, que l’effet d’une vengeance ". L’acte d’accusation fait connaître que Honnet et sa femme, depuis de longues années fermiers de M. de Courcelles, sont très fâchés de quitter leur fermage, où ils ont fait de bonnes affaires, et que le bail expirant le 15 avril, ne leur serait pas renouvelé, et qu’on aurait entendu la femme Honnet dire entre les deux incendies : " Une autre fois, on ne les manquera pas ! ".

Le 22 février, le feu a éclaté peu après que Louise revienne des champs avec les moutons. On cherche un coupable, et il semble que l’on voit la trace des sabots de Louise. Interrogée sur les causes de la déchirure de son jupon, elle est prise en flagrant délit de mensonge, déclarant " tantôt qu’elle s’est laissée tomber en allant avertir son maître, tantôt que c’était dans les taillis que cette déchirure avait été faite ".

Ce n’est pas là le seul mensonge que Louise commet dans sa défense. Dans une autre déclaration à la gendarmerie, elle dit " que Claude-Alexandre Durand avait menacé de rendre la femme Honnet plus basse que la terre, de la réduire jusqu’à la cendre ".

Le 27 février, Louise dit que " c’est Durand qui a mis le feu, lui montrant un sabot où il y avait du feu, qu’il resta dans la grange et mit le feu dans la troisième potée, et qu’il força ensuite Louise, en menaçant de la tuer, de porter deux charbons dans l’écurie aux vaches… "

Durand nie formellement toutes ces allégations, et Louise convient que ses déclarations sont contraires à la vérité.

Dans son interrogatoire du 4 mars, Louise déclare que " cédant aux instances et aux promesses de la femme Honnet, elle a eu la faiblesse de porter du feu dans l’écurie aux vaches et de mettre le feu à une poignée de paille et de foin ". Puis elle accable la femme Honnet, sa maîtresse, qui nie ces accusations.

Les aveux de Louise, son indifférence pendant le premier sinistre, ses propos des 7 et 22 février, son enjouement pendant le second incendie, où elle ne donne aucun secours, qu’elle cherche au contraire à détourner les garçons en les provoquant à s’amuser avec elle… tout enfin, fait entrer dans l’esprit des jurés une si profonde conviction, qu’ils prononcent un verdict de culpabilité.

Elle ne peut être sauvée de l’échafaud, et l’arrêt le 20 mai surprend la foule et l’émeut profondément.

Le 22, Louise Fleuriot, résignée et repentante, accompagnée de l’aumônier, sort de prison, pour aller en place publique subir la peine prononcée contre elle. Le trajet du palais des anciens comtes de Champagne au Marché-au-Blé (place J. Jaurès), est long, devant une foule, toujours trop avide de ces sortes de spectacles.

Lorsque sa tête rasée, mais couverte de son toquat est tombée, le corps de Louise n’est pas porté autour de l’échafaud.

Les détails publiés par Louis Ulbach sont contraires à la vérité !

Est-ce donc ainsi que l’on écrit l’histoire ? Les faits réels sont destinés à moraliser et à instruire, le narrateur doit être fidèle aux vrais faits qu’il rappelle !

 

 

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