Abbayes, couvents...



Privilèges singuliers de l'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains


NOTRE DAME AUX NONNAINS
NOTRE DAME AUX NONNAINS

 

La tradition dit que la ville de Troyes, riche, puissante, ancien municipe romain, avait, à la porte de son oppidum (ville fortifiée), un collège de femmes, de vestales consacrées à l’entretien du feu sacré. Ces femmes, entraînées par les premières prédications du christianisme, se seraient converties à la foi nouvelle et auraient favorisé, à l’aide de leur exemple et de leurs richesses, l’établissement  de la première église. Elles auraient donné le sol sur lequel la maison des premiers évêques aurait été élevée, dans le voisinage de cette église.

 

L’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains à Troyes remonte donc aux premières prédications de l’Evangile, vers 259, bien avant l’établissement du siège épiscopal de Troyes, qui eut lieu en 340. Elle avait à sa tête « une princesse de sang royal, possédant de grands biens dans la ville des Tricasses », chargée d’entretenir le feu sacré d’un temple païen.

 

Cette première communauté devient la célèbre abbaye de femmes, par son réformateur Saint Leuçon, évêque de Troyes (651-656), qui a l’idée de réunir des veuves et des jeunes filles converties par lui au christianisme. Elle est placée, en 657, sous l’invocation de la Vierge de l’Assomption et sous le nom de Notre-Dame, dite aux Nonnains.

 

C’est bien par son origine si reculée que l’on peut se rendre compte du caractère particulier et de l’importance des privilèges que nous allons voir, et qui constituent l’une des plus curieuses énigmes historiques que présente l’histoire de la ville de Troyes.

 

Si ces privilèges se trouvaient entre les mains d’un abbé placé à la tête d’une nombreuse communauté d’hommes, on pourrait penser que, pendant les ténèbres des premiers siècles, cet abbé aurait pu s’emparer, par une voie quelconque, d’une autorité qui ne lui appartenait pas, selon les lois de l’Eglise. Mais une telle usurpation ne parait même pas supposable quand on la trouve aux mains d’une femme.

 

Seule la tradition peut expliquer, en contradiction si évidente avec les lois de l’Eglise apostolique, ces privilèges. S’il en était autrement, on ne comprendrait pas la possession de ces droits entre les mains d’une femme, droits qui furent exercés contre les principes de toutes les lois générales de l’Eglise catholique pendant un si grand nombre de siècles.

 

Le premier privilège est sur « l’intronisation de l’évêque », et a été décrit au chapitre « Joyeux événements des évêques de Troyes ».

 

D’autres privilèges appartenaient à l’abbesse de Notre-Dame-aux-Nonnains. Il s’agit des droits attachés à la paroisse, à la cure, droits que l’abbesse exerçait au lieu et place du curé.

 

La population se groupant autour de l’abbaye, l’abbesse et sa communauté demandèrent un prêtre et, afin que l’office ne pût troubler celui des religieuses, on éleva, au milieu de l’église, un pignon qui sépara l’abbaye de la paroisse.

 

L’abbesse se réserva tous les droits du curé primitif. Elle nomme à la cure et jouit de la moitié des offrandes. Les paroissiens n’ont pas l’usage des cloches et ils n’ont qu’une partie du cimetière s'ils lui paient certains droits. C’est entre ses mains que le curé prête serment. Elle fait bénir par ses chapelains, l’eau des fonts baptismaux à l’exclusion du curé, et fait, dans son église, le service des jeudi, vendredi et samedi saints, sans que le curé puisse le faire dans son église paroissiale. Elle nomme avec les paroissiens un marguillier qui prête serment entre ses mains. Les comptes de la fabrique se rendent en sa présenceElle nomme  de plein droit à 7 chapelles qui sont dans l’église Saint-Jacques.

 

L’abbesse jouissait encore d’un autre privilège non moins singulier que tous les autres, c’était de choisir le prédicateur de la paroisse de Saint-Jacques pour le premier lundi de carême. Ce jour-là il n’y avait à Troyes que ce seul prédicateur qui put monter en chaire.

 

L’abbesse de Notre-Dame-aux-Nonnains avait aussi des droits sur certaines églises de Troyes. Elle jouissait des droits de collation dans l’église Saint-Jean-au-Marché, et dans les 2 succursales de cette paroisse, les églises de Saint-Nicolas et de Saint-Pantaléon. Dans chacune de ces églises, elle avait droit d’oblation (Offrande faite à Dieu).

 

Elle s’opposa avec succès, en 1223, au démembrement de la paroisse de Saint-Jean, de laquelle l’évêque Hervée (1206-1223) voulait séparer les 2 succursales de Saint-Nicolas et de Saint-Pantaléon, afin de les ériger en paroisses. Le pape donna gain de cause à l’abbesse et le démembrement ne fut point accordé.

 

En 1249, Innocent IV (1243-1254) maintient l’abbesse dans le droit qu’elle avait de s’opposer à la construction de toute chapelle ou église, de tout oratoire, dans l’étendue des paroisses de la ville de Troyes, où elle avait droit de patronage. Ces paroisses étaient celles de Saint-Jacques et de Saint-Jean, et les succursales de cette dernière, les églises de Saint-Nicolas et de Saint-Pantaléon.

 

En 1318, l’abbesse fait maintenir ses droits sur les sépultures des paroissiens de l’église Saint-Jean. Elle fait reconnaître par le pape Jean XXII (1316-1334) que ceux de ces paroissiens, décédés sans avoir choisi le lieu de leur sépulture, seront déposés dans le cimetière de l’église Saint-Jacques-aux-Nonnains, cimetière qui n’est autre que celui de l’abbaye.

 

L’abbesse de Notre-Dame avait, sur une partie de la ville, droit de haute, moyenne et basse justice. Elle avait son bailli, ses sergents, son auditoire, ses prisons, son pilori.

 

Par tradition très ancienne, il y avait aussi échange entre l’abbesse qui recevait de l’évêque sa mule, et celui-ci qui, de l’abbesse, recevait le lit sur lequel il avait couché à l’abbaye, un fait purement féodal.

 

Les droits et privilèges dont jouissait cette abbaye sont donc considérables et singuliers en même temps.  

 


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