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La Grille monumentale de l’Hôtel-Dieu


En 1936, les Troyens ont suivi, avec un intérêt marqué, les différentes phases des travaux entrepris pour la réparation et la « toilette » de la grille de l’ancien Hôtel-Dieu le Comte, hôpital fondé au XIIe siècle par le comte Henri 1er le Libéral, hôpital qui a été au 18e siècle l’un des plus vastes de France. Cet Hôtel-Dieu, le plus pur chef-d’œuvre du splendide héritage artistique de notre vieille cité champenoise est toujours aujourd’hui, ce monument remarquable qui brille de tout l’éclat de sa splendeur primitive et offre aux yeux admiratifs des passants, les ors rutilants de ses lances et de ses rinceaux, les émaux délicats de ses écussons, qui soulignent l’étonnante majesté de l’imposante structure de sa grille monumentale. Cette superbe grille qui ferme la cour d’honneur sur la rue de la Cité figure parmi les monuments historiques de Troyes. Elle ne coûta pas moins de 34.000 livres. L’Administration des Hospices fournit elle-même tous les matériaux nécessaires au maître-serrurier parisien de grand talent, nommé Pierre Delphin, qui exécuta sur place ce travail vraiment formidable. Cette grille a « grand air » et sa masse majestueuse, admirablement mise en valeur par l’incomparable richesse de ses ornements et l’élégance des motifs de fer forgé, appelle, irrésistiblement, l’éloge le plus flatteur, et soutient la comparaison, toutes proportions gardées, avec les admirables grilles de la place Stanislas à Nancy.

 

         Notre grille s’étend sur une façade de 33 m 85. La porte elle-même est surmontée d’une croix qui s’élève à 12 mètres au-dessus du sol. Les armes de France, figurant sous cette croix, sont représentées par un écusson portant 3 fleurs de lys d’or sur un champ d’azur, entouré des colliers des ordres de Saint Michel et du Saint-Esprit, et coiffé de la couronne royale.  Deux autres écussons encadrent, un peu plus bas, ces insignes royaux :ce sont, sur le pilastre de gauche, les armes de la ville de Troyes « à bande d’argent et aux 2 coticées potencée et contre-potencée » au chef de France et, sur le pilastre de droite, les armes de Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Clermont, gouverneur et lieutenant général, depuis 1751, des provinces de Champagne et de Brie, qui sont  « d’azur à 3 fleurs de lys, chargées d’un bâton raccourci posé en barre ».  Le comte de Clermont était le petit-fils du grand Condé. Destiné dès son enfance à l’état ecclésiastique, il se sentit bientôt attiré par la carrière des armes et fit les campagnes d’Allemagne et des Pays-Bas. Il devait se distinguer particulièrement aux batailles de Lawfeld et de Fontenay. Témoin de sa bravoure, Louis XIV lui confia le soin d’assiéger Namur et Anvers, dont il s’empara sans coup férir. En 1758, il se retira dans son commandement de Champagne, où il passa le reste de ses jours. Les grilles, de part et d’autre de la grande porte, sont également surmontées en leur milieu, de diverses armoiries : ce sont à gauche, sous une couronne de marquis, celle d’Henri Louis de Barberie de Saint Contest de la Châtaigneraie, intendant de Champagne, qui sont à « 3 têtes d’aigle arrachées d’or sur champ d’azur ». A droite, on voit les blasons accolés de la comtesse de Morville, née de Vienne et de son mari. Au revers de ces écussons, donnant sur le jardin, figurent les armes de Champagne et celles de Navarre. Le comte de Morville, qui  fut successivement avocat du roi au Chatelet, conseiller au Parlement de Paris, procureur général au Grand Conseil, ambassadeur de France en Hollande, membre de l’Académie Française, puis ministre des Affaires étrangères, avait épousé Mademoiselle de Vienne. Les de Vienne étaient seigneurs de Géraudot, Rochetaillées et Presle, et possédaient, d’autre part, de grandes propriétés à Rheiges, Piney, Bréviandes. La comtesse de Morville contribua pour une large part à la reconstruction de l’hôpital, ce qui valut le grand honneur de voir sa Maison brillée en bonne place sur la grille de l’édifice.

 

         En 1793, cette grille fut dépouillée de ses armoiries et de ses écussons fleurdelysés. En 1804, on enleva scrupuleusement les quelques ornements originaux oubliés ou que le marteau n’avait pu entièrement arracher, et on les déposa soigneusement dans les magasins de l’Hospice. Puis, des aigles, les ailes déployées et tenant en leurs serres la foudre de guerre, furent placés sur tous les écussons. On alla même jusqu’à remplacer les fleurs de lys flammées du grand cordon de Saint-Esprit par autant d’aigles. En 1815, à l’avènement de Charles X, on s’empressa de remettre à jour les fleurs de lys que remplacèrent, dans les greniers, les aigles impériales. En même temps, on appliqua à la grille 3 couches de peinture qui lui donnèrent désormais l’apparence du bronze. Vers 1830 et les fleurs de lys, de nouveau indésirables, furent supprimées. En 1834, au cours d’une nouvelle modification, les bandes d’argent aux coticées potencées des armes de Troyes supplantèrent les fleurs de lys sur 4 des 5 écussons. Plus tard, sous la direction de M. Lédanté, architecte des hospices, la grille fut restaurée. Les ornements furent alors refaits en tôle repoussée, et 3 couches de peinture gris de zinc, donnèrent à cette grille l’aspect du fer dans sa couleur naturelle. C’est à ce moment que furent remis en place le double blason des Morville et celui de l’Intendant de Champagne. Mais, l’éventualité d’une réfection assez profonde s’avérait chaque jour de plus en plus nécessaire. C’est aux Ets Maison des Riceys que fut confiée  la mission délicate et minutieuse de « la remettre à neuf ». Les grilles, qu’il était impossible d’ouvrir,  furent redressées d’environ 40 cm, et ainsi remises d’aplomb, elles fonctionnèrent comme des portes neuves. Le travail de serrurerie proprement dit, pose et dépose compris, demanda 4 mois, et était complètement terminé en novembre 1935. L’entreprise de dorure, qui n’avait pas été effectuée depuis 58 ans, ne fut réalisée qu’aux beaux jours de 1936.

 

L’entreprise Maison avait aussi montré ses talents en exécutant d’innombrables travaux dont les grilles des Préfectures de Troyes et Limoges, celles des Hôtels de Ville de Roubaix et de Sens, du Palais du Gouverneur de Dakar, du Palais de la légation de Siam, du nouveau théâtre de Croydon (Angleterre), et de très nombreux travaux de ferronnerie d’art à toutes les expositions universelles de 1875, 1889 et 1900, des Arts décoratifs en 1925, de l’Exposition de Saint-Louis (Amérique), de la cathédrale de Chambéry, du Dôme des Invalides… Bravo à cette entreprise des Riceys qui a répandu non seulement aux 4 coins de la France, mais encore du monde entier le grand prestige et le bon renom du goût français.   

 

Cette grille a été entièrement restaurée en 2006, ce qui permet d'en apprécier désormais tous les détails et la richesse.

 


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