Pendant les Guerres



Les réfugiés Champenois dans l’Aube


1914 : la Belgique est envahie brutalement, l’armée belge bousculée, la marée allemande atteint nos frontières.

C’est le 15 août que le département de l’Aube voit arriver les premières colonnes de réfugiés. Devant la poussée allemande arrivent pêle-mêle, et en désordre des belges, des ardennais, des meusiens, des marnais. Les colonnes de réfugiés s’étiraient le long des routes crayeuses de Champagne, au grand soleil d’août : chevaux, voitures de toutes natures, surchargées de femmes, d’enfants, de bagages, de colis hétéroclites, et parfois quelques vaches conduites par quelques hommes âgés, mais encore valides par force, les jeunes étant aux armées. Lieue après lieue, les convois pitoyables cheminaient sans but précis et ces rubans de pauvres gens s’égrenaient au pas lent de vieux chevaux dont l’armée n’avait pas voulu, les hommes à la barbe hirsute, aux vêtements fripés… Beaucoup de Champenois, principalement des Ardennes, s’arrêtèrent et se disséminèrent dans nos villages. Un recensement de 1916 fait apparaître le chiffre de plus de 21.000 réfugiés, dans presque toutes les communes du département !

Les Troyens craignaient de subir le même sort, puisque des uhlans sont venus jusqu’au camp de Mailly. Un comité d’accueil fut constitué, composé du préfet, du président du Conseil général, du maire, de Mgr l’évêque. Différents locaux furent aménagés. Le Cirque fut disposé pour abriter des familles, 25 cantines furent installées en différents endroits, fournissant des repas à plus de 800 personnes inscrites. L’appel du maire et du comité fut largement entendu, la population apporta des vêtements, du linge, des chaussures, du mobilier, du ravitaillement. Les patrons d’usines ou de commerce, devant la désorganisation de leurs entreprises procurèrent du travail aux réfugiés, même âgés, aux femmes et aux jeunes filles. Les confections d’effets militaires trouvèrent là de la main d’œuvre, et distribuèrent des salaires. Les cultivateurs réfugiés avec leurs chevaux, trouvèrent vite à s’employer et à remplacer les jeunes fermiers mobilisés.

Mais bientôt, la question de l’argent se posa. La grosse majorité des réfugiés, persuadés comme les officiels, que la guerre ne pouvait durer que 3 mois au plus, n’avaient emporté que le minimum de vêtements, de linge, et quelque argent. Avant de partir, vite un trou dans la cour, une cache, on enfourne l’argenterie, quelques titres, un souvenir, on rejette la terre, et on prend la route, quitte souvent à emporter un objet parfaitement inutile. Les quelques francs emportés furent vite épuisés. C’est alors qu’à Troyes intervint la Caisse d’Epargne. Sollicitée par le Comité, le Conseil des Directeurs décida de consentir une avance de 50 francs aux réfugiés munis de leurs livrets. 800 titulaires de livrets des réfugiés profitèrent en septembre et octobre de l’avantage offert. Par la suite, cette facilité fut étendue à des gens sans leur livret, contre une attestation cautionnée de leur honorabilité. Au 15 juillet 1917, le nombre des avances se montait à 219.429 francs pour 3.250 personnes, somme importante pour l’époque.

Plusieurs caisses de vêtements provinrent des Etats-Unis, et le comité reçut d’importants dons en espèces, du comité de secours aux Ardennais, du Secours National. De son côté, la Fédération des Associations agricoles se préoccupa de secours pour l’entretien des chevaux, précieux pour la culture.

Les maires du département furent invités à s’occuper et des réfugiés et des chevaux : l’Etat prenait à sa charge les frais et secours aux nécessiteux ou aux femmes de mobilisés. Des allocations furent fixées par la loi du 5 octobre 1914 : 1,25 f par jour aux adultes et 0,50 f par enfant, puis en décembre 1914, l’allocation passa à 1,50 pour les adultes et à 1 f pour les enfants. Quant aux chevaux, les pouvoirs publics décidèrent d’allouer 1,50 f par cheval de novembre à février et 1 f de mars à octobre, avec supplément de 0,25 f pour les chevaux « résidant » à Troyes. En effet, il fallait songer à préserver l’avenir du cheval ardennais, aussi bien pour la race et la culture que pour les besoins de l’armée.

En juin 1915, l’administration pensait même aux « Mesures à prendre contre les mouches » : La mouche est dangereuse, et il faut préserver la nourriture, s’opposer à la naissance et à la reproduction, « une seule mouche pouvant devenir l’origine d’une centaine de millions de mouches, il faut donc les empêcher de naître ! ».

  Cette situation pour nos voisins ardennais se prolongea pendant 4 années, si bien qu’ils s’identifièrent à nous, peu à peu, seul l’accent persistant trahissait leur origine. Un grand nombre prit racine, les jeunes par mariage ou encore par raison professionnelle, et firent souche dans l’Aube. Par contre, les plus âgés, dès l’Armistice, retournèrent au pays.       


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