Pendant les guerres



Les F.F.I. de la Compagnie Vaudoise


Mon ami Jean Daunay est né en 1920. Il fait ses études à l’Ecole normale d’instituteurs de Troyes, de 1937 à 1940. Il est instituteur, secrétaire de mairie à Rumilly-les-Vaudes de 1941 à 1959, de 1959 à 1962 il est Directeur de l’Ecole des Tauxelles à Troyes, de 1963 à 1975 assistant d’Education populaire au Service départemental de la Jeunesse et des Sports, responsable de la Revue « Folklore de Champagne », Maire de Rumilly-les-Vaudes de 1977 à 1995. Il raconte 50 ans après (juillet 1994), l’aventure des F.F.I. de la Compagnie Vaudoise, à laquelle il a participé. En voici des extraits.

         Après le débarquement de juin 1944, les gendarmes de Bar-sur-Seine cherchent un gradé qui saurait rassembler des hommes capables d’agir au moment où on aurait besoin d’eux. Une dizaine de camarades se réunissent en attendant les ordres qui leur permettent de se rendre utiles. La gendarmerie de Bar les envoie à Essoyes où ils rencontrent le commandant Montcalm (voir Maquis Mussy). Parmi eux il y a un camarade qui ravitaille déjà en viande le maquis de Mussy, et un qui depuis quelques temps donne asile à des F.T.P. « Chacun des membres du petit groupe reçoit mission de contacter une dizaine d’hommes, chaque unité ne devant, dans la mesure du possible, avoir connaissance de l’existence des autres. Ordre est donné de pas en faire plus, avant qu’il n’en soit autrement décidé ». André Mairet contacté dit qu’il a des engagements par ailleurs. Il avait été arrêté le 11 juin 1943, sous prétexte de connivence avec une personne ayant sa maison de famille à Vaudes. Il entretenait en effet le jardin de Madame Huchard de Troyes, arrêtée et déportée la veille. Faute de preuves, il est relâché. En revanche, il ravitaille des opposants à l’armée allemande, parmi lesquels Germain Rincent (qui fut député de l’Aube de 1945 à 1958), qu’il héberge à l’occasion. Il adhère en août 1943 à Libération Nord, le groupe de Rincent et de Gabriel Thierry, le futur maire de Sainte-Savine (1944-1971), qui sera nommé Compagnon de la Libération par le général de Gaulle. Mairet aide notamment Roger Dossot, membre lui aussi de Libération Nord, dans l’approvisionnement du maquis de Mussy. Comme c’est lui qui tient les comptes de la laiterie de Vaudes, et qu’il est en rapport de ce fait avec toutes les fermes des environs, il lui est facile de faire connaître à Roger Dossot là où il peut trouver un cochon, un veau, des lapins… de quoi améliorer l’ordinaire des maquisards. Après l’attaque du maquis de Mussy par les Allemands, il a hébergé le capitaine Pierre Chériot qui commandait la 6° compagnie à Réveillon. D’accord avec lui, il accepte de faire récupérer les armes sauvées, in-extrémis du plateau de Crancey. C’est ainsi qu’une bétaillère pleine de mitraillettes et armes diverses dissimulées sous une couche de fagots arrive dans la cour de l’école de Vaudes. Ce chargement est expédié en forêt de Rumilly, à la maison forestière du Coin des Ventes pour le maquis Montcalm. Le colonel Alagiraude (dit Montcalm) reçoit au hameau des Poteries à Chource le représentant de la cinquantaine de volontaires de Rumilly-les-Vaudes, prêts à aider et relever ceux qui ont été contraints de se disperser. A partir de ce moment, la Compagnie du Vaudois prend une existence légale. Jean Daunay accepte alors d’assurer le poste de secrétaire-trésorier de la compagnie. Les armes récupérées ont été entreposées dans la machine à vapeur de la scierie Védé, qui était à l’arrêt pour les vacances. Chaque soir, le sergent Védé pour préparer les hommes à utiliser ces armes, les familiarise avec : nettoyage, approvisionnement des chargeurs… Chaque soir, sont sortis une mitraillette, un fusil, une grenade de la machine à vapeur pour une sommaire instruction : montrer comment l’arme est montée et comment on peut s’en servir. Le 21 août, chacun reçoit un brassard F.F.I. qui doit lui permettre d’être reconnu comme un combattant de l’armée secrète. Le groupe est véhiculé en camions jusqu’à Chennegy. Le 25 août, il se déplace sur Estissac. Un fusil mitrailleur prend à partie un camion allemand sur la route de Dierrey-Saint-Julien, qui tirait sur eux. Le conducteur Allemand d’un side-car et son passager sont tués à l’entrée de Fontvannes. La compagnie progresse sur la route nationale en direction de Troyes, perd un homme après un petit combat et arrive à la tombée de la nuit à La Grange-au-Rez, quand Montcalm lui demande de se retirer en son cantonnement de Chennegy, car il sait que les Américains ne sont pas encore à Troyes, et il craint que des méprises entre groupes soient la cause d’incidents. En effet, le rôle de la Compagnie n’est pas d’affronter l’ennemi de face avec ses faibles moyens, mais seulement d’épauler l’armée motorisée des Alliés. Le lendemain samedi 26 août, la compagnie gagne Torvilliers en camions par Bercenay et Prugny, puis La Rivière-de-Corps. Là, on leur tire dessus et ils voient les premières horreurs, des civils tués, des maisons qui flambent… Les Allemands résistent, réfugiés dans une ferme, et tirent sur la Compagnie. Rapidement des Américains arrivent et lâchent quelques salves de mitrailleuse, faisant signe à la Compagnie de continuer son chemin. En entrant dans Sainte-Savine, elle fait 2 prisonniers Allemands. Le dimanche 27, le colonel Alagiraude passe en revue la Compagnie place de l’hôtel-de-ville, puis lui fait descendre l’avenue Gallieni pour y débusquer si besoin est, les derniers soldats ennemis qui pourraient s’y dissimuler. Le lundi 28, diverses opérations sont menées à Troyes. La Compagnie trouve 2 Allemands carbonisés qui gisent dans leur voiture sur le pont de la gare. Au coin de la rue de la Tour-Boileau, un autre soldat allemand a été tué et a la tête dans le caniveau. L’après-midi, la Compagnie participe au nettoyage des Bas-Trévois, de l’usine Gillier et de la Kommandantur installée dans le magasin Devred.  Le soir elle est hébergée au Lycée de garçons de Troyes et habillée de kaki. Le 30, c’est le défilé à Troyes. Le lendemain, la Compagnie est embarquée sur camions, en direction de Bar-sur-Seine, contribuant au dégagement de Lusigny et de sa région, puis aux Riceys, pour contenir une colonne de l’Afrika Korps qui remonte vers le Rhin.   

Les Allemands ayant définitivement quitté notre département, l’opération de protection n’ayant plus sa raison d’être, la Compagnie Vaudoise réintègre son casernement au Lycée de garçons dès le vendredi 4 septembre. Elle a rempli sa mission.

 

Quelques uns de la Compagnie se sont engagés au 131° R.I. qui combattit jusqu’au 6 mai 1945 dans la poche de Royan. D’autres partirent pour la 1ère Armée de Lattre de Tassigny. Le plus gros contingent regagna Rumilly-les-Vaudes. L’équipée était terminée, la Compagnie Vaudoise n’était plus !

 

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