Pendant les Guerres



7-23 février 1814 à Troyes : terribles journées d’occupations étrangères


 Le 7 février 1814, à 7 heures du matin l’ennemi s’empare du faubourg Saint-Jacques et le pille de fond en comble.

A Troyes « les habitants, dont un grand nombre a pris la fuite, s’enferment et regardent défiler ces hôtes... les militaires recherchent avec brutalité des mets, du vin, de l’eau-de-vie... après avoir privé les habitants de toutes ressources, ils les menacent de mort et d’incendier leur maison... plusieurs personnes sont violées ». A 10 heures, un piquet de cavalerie se présente à la porte Saint-Jacques et, au nom des trois princes alliés, somme le commandant du poste de l’ouvrir, mais il n’obtempère qu’aux ordres du maire. L’ennemi tire deux coups de canon sur la ville. Le maire ordonne alors d’ouvrir la porte. Entre le 7 et le 8 février, il ne cesse d’arriver, cavalerie, infanterie, artillerie, voitures, et une multitude de chariots destinés à transporter les effets pillés. Troyes est traversée par plus de 70.000 hommes, Russes, Autrichiens, Bavarois, Wurtembergeois.

Le prince de Würtemberg qui commande, frappe la ville de réquisitions. Pour cette 1ère journée : 1 veau, 1 mouton, 2 dindons, 8 poulardes, 12 livres de café, 25 livres de sucre, 50 citrons, 8 livres de chocolat, 8 pots de moutarde, 12 bouteilles de Bordeaux, autant de Champagne, 6 bouteilles de rhum, 6 de cognac, 4 once de vanille, 4 de cannelle, 4 de clous de girofle, 12 livres de bougies, plus des desserts et du pain. Il réquisitionne 12.000 paires de souliers, 400 aunes de drap bleu, 1.000 de drap vert, 4.000 de gris, 400 peaux de veau…Le 8, il exige pour 2 jours : 120 livres de bœuf, 1 veau, 1 mouton, 24 poulardes, 4 dindons, 4 oies, 8 canards, 15 livres de lard, 60 œufs, 30 livres de poissons et écrevisses, des lièvres, chevreuil, légumes, salade, 120 livres de pain, 40 bouteilles de bon vin ordinaire, 12 bouteilles de Bourgogne, 6 jambons ou langues, 20 livres de café, 30 livres de sucre, et nombre d’autres hors-d’œuvre, entrées, friandises... Le III° corps, réclame 600 aunes de toile fine. La ville doit fournir journellement à partir du 12 février : 60 livres de bœuf, 1 veau, 1 mouton, 12 pièces de volailles, parmi lesquelles au moins 6 dindons, 20 livres de poisson, 24 pièces de harengs, 4 jambons, 10 pièces de langues salées, des légumes et épiceries de toute qualité, 40 livres de pain, 40 livres de café, 78 de sucre, 30 bouteilles de vin ordinaire, 12 de champagne, 3 de liqueur fine, 4 livres de beurre, 4 de fromage, 4 de lard, 30 œufs, confitures, un pâté froid, 20 livres de chocolat, 1 livre de caviar, 50 citrons, 50 oranges. De plus, la Grande Chancellerie des Coalisés réclame 100 livres de bougies, et autant le 10, augmentée de 18 livres de cire d’Espagne… Le prince de Würtemberg demande la réquisition à fournir dans les 3 jours, pour le IV° corps d’armée, de 400 peaux de veaux, 100 cuir pour semelles, 400 aunes (1 m 188) de drap bleu, 4.000 de drap vert et 4.000 de gris, ainsi que 400 chemises, 600 aunes de toile fine pour le 3° corps d’armée autrichienne.

Le 9 février, le prince de Hohenlohe-Bartenstein adresse à la Préfecture 2 réquisitions pour fournir dans les 24 heures, sous peine d’exécution militaire : 21.000 aunes de draps, 50.000 aunes de toile, 12.500 aunes de coutil, 18.000 paires de souliers, 8.000 chemises, 1.000 cuirs pour ressemelage, 10.000 fers à cheval, 100.000 clous pour ferrer les chevaux et 5.000 francs, pour les besoins de la ville. Le 11 février, le même prince frappe les communes du département de 18.000 quintaux de farine, 300 quintaux de riz, 400 quintaux de sel, 12.000 pièces de vin, 70.000 mesures d’avoine, 18.000 quintaux de foin, 1.000 pièces de bœuf, livraison à effectuer en 5 différentes époques. S’il n’est pas obtempéré, une seule sanction est prévue : l’exécution militaire. Le 16 février, le maire est requis d’assurer pour le lendemain la fourniture en pain, vin et viande pour la nourriture de 24.000 hommes. De plus, une foule de valets, horde grossière et plus qu’insolente, met tout au pillage, dans leurs logements, ils les frappent, les menacent de mort, et incendient leurs maisons.

Les hôpitaux regorgent de blessés et de malades. En février, il y a 42.557 journées d’hôpital, 64 entrées d’officiers, 9.036 de soldats, il y a 262 décès. Le 12 février, le prince Hohenlohe demande au maire de  meubler en hôpital l’hôtel et les bâtiments de la Préfecture, avec 24 heures pour obtempérer. Une note dit : « si demain à 8 heures, la maison de la Providence n’est pas vidée et propre à recevoir des malades, j’avertis M. le Maire que je lui ferai repentir de n’avoir point obéi aux ordres que je lui ai donnés. De même, il lui est adjoint de fournir 500 lits pour les malades, tant pour la Providence que pour pouvoir coucher les malades à mettre au grenier des religieuses…Il faut prendre en plus 50 hommes comme infirmiers pour en compter 200 en activité ». Le 20 février, le prince demande que l’église Saint-Urbain soit affectée au service hospitalier.

Le 8 février arrivent à Troyes le roi de Prusse (avec son fils le prince royal Frédéric Guillaume), les empereurs de Russie (avec son frère le grand-duc Constantin) et d’Autriche (avec son fils le prince impérial Ferdinand- Charles). Ils s’installent : le Tsar chez M. Michaux (le Palais de Justice), l’Empereur d’Autriche chez Madame de Loyne à l’Hôtel de Chapelaines, le roi de Prusse chez M. Guyot, Place Saint-Pierre.

 

Dès le 7 février, un commissaire de police est dépouillé, en pleine rue Notre-Dame, de ses vêtements, de son argent, de sa montre et ne doit qu’à la générosité de ses agresseurs de pouvoir conserver son caleçon ! Plusieurs cavaliers du prince de Würtemberg volent à des particuliers des montres, des souliers, des bottes et des habits, et pillent des boutiques. Des isolés se répandent dans les maisons, enfoncent à coup de crosse les portes fermées ou trop longues à s’ouvrir, s’installent de leur propre autorité au foyer des habitants, les maltraitent et les dépouillent. Le propriétaire du moulin de Fouchy, est rencontré par les cosaques : on le met absolument nu et il n’a que le temps de se jeter à la nage pour éviter la mort. Il se sauve à Troyes, avec un simple mouchoir pour se couvrir. Il se présente devant l’Empereur de Russie dans l’état où l’ont mis les Cosaques et fait entendre ses justes plaintes. L’attentat reste impuni, et son moulin est la proie des flammes. Un nommé Labille, est malade. Des soldats se présentent, l’insultent brutalement, l’assassinent dans son lit et pillent sa maison. Un vieillard de 70 ans est à l’article de la mort. Sa maison est assaillie par des Cosaques. Tout est pillé, brisé ou emporté et elle est livrée aux flammes. Des factionnaires sont alors placés aux différentes issues, afin d’empêcher le malheureux vieillard de pouvoir s’échapper, et il périt, ses bourreaux, se réjouissant de ses cris. A Troyes, les décès atteignent en 1814, un tel chiffre, qu’un vaste terrain appartenant aux hospices, près du pont de Saint-Parres, supplée aux cimetières encombrés et sert de champ de repos à des cadavres que l’on y conduit par tombereaux. Dans les rues de Troyes, on entend les cris perçants des femmes et des enfants fuyant, dépouillés de leurs vêtements, tandis que chez eux 3 ou 4 brigands, sous l’uniforme militaire, écrasent de coups,  tiennent en arrêt la baïonnette sous la gorge, leurs pères, leurs époux, ou les poursuivent et menacent de les assassiner, afin de donner le temps à 30 ou 40 autres, qui se succèdent sans interruption, de casser, de briser, d’emporter tout ce qui s’offre à leurs regards, à leur avidité.

Vers la fin de 1814, l’hospice civil reçoit journellement 68 nouveaux-nés, la salle des morts 3 ou 4 : « Il est facile de reconnaître, au physique de ces petites créatures, celle qui procédait d’un français ou d’un étranger. Le nombre des dernières étaient au moins des deux tiers sur les autres ».

 

 

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