Les dessous de Troyes



Poisson d'Avril


Charles Brégnard 1886 :

" Il y a quelques années, en 1879, quelques amis bien cruels, firent manger à mon ami Zed (je tairai son nom), honorable négociant à Troyes, un vaste poisson d’Avril.

 

La troupe du théâtre municipal possédait une soubrette des plus accortes. Zed la vit, l’applaudit, et… le mystère le plus impénétrable enveloppa les amours de la comédienne et du commerçant…

 

Mais hélas, l’homme ne sut pas garder le secret de cette joie, et il s’épancha dans le cœur d’un ami : « Je suis le plus heureux des hommes ». « Tant mieux ». « Tu sais, la petite Clara ? La soubrette ? Depuis 8 jours, elle n’a rien à me refuser. Chut ! Hier encore, après le spectacle, elle a bien voulu m’accompagner au jardin du Rocher… nous nous sommes assis sous les arbustes auprès du bassin, et, la main dans la main nous avons fait de tendres aveux ».

 

« Quelle heure était-il ? ». « Minuit et demi ». « Mais, à cette heure, le jardin est fermé ». « Nous avons franchi le petit entourage ». « Si les sergents de ville vous avaient vus, ils vous auraient dressé procès-verbal, car il est défendu de pénétrer dans le jardin à cette heure ». « Oui, mais ils ne nous ont pas vus ».

 

Le lendemain, le confident va au cercle : « Messieurs, dit-il, il faut jouer un tour à Zed. Quand il arrivera, vous lui direz que les gardiens du jardin l’ont vu cette nuit avec Mlle Clara, sous les arbres du bassin et qu’ils ont dressé procès-verbal pour cette infraction au règlement ».

 

En effet, Zed entra quelques moments après. Un membre du cercle le prit à part et lui dit : « On t’a vu ! ». « Où ? » « Dans le jardin du Rocher, cette nuit, tu étais avec Mlle Clara… Tu as juste le temps d’aller chez le 1er adjoint, qui ne donnera pas suite au P.V. ».

 

Zed alla de bon matin trouver l’adjoint, il lui raconta tout, en le priant d’arrêter l’affaire. « Je n’y puis rien, c’est au maire que le P.V. a dû être envoyé ».

 

Zed se rend auprès du maire de Troyes : « Monsieur, c’est très fâcheux pour vous, mais c’est le commissaire de police qui reçoit les P.V. ».

 

Troisième visite au chef de la police : « C’est grave pour vous, mais je veux bien fermer les yeux. Je n’ai pas encore reçu le P.V., allez trouver le gardien et arrangez l’affaire avec lui ».

 

Zed se précipite chez le gardien : « Mon brave, vous êtes un intègre fonctionnaire, mais j’ai vu le maire, l’adjoint, le commissaire…, oui ils fermeront les yeux ».

 

« Ah ! Ils fermeront les … ». « Oui ! Tenez, voilà pour vous… et votre silence ! ». Et Zed glissa une pièce de 20 francs dans la main du gardien de plus en plus étonné. « Pourquoi me donnez-vous 20 f ? ». « Vous savez bien ? Cette nuit ? Avec l’actrice ? Chut ! C’était moi ! ». « Vous ? Vous quoi ? ».

 

Et Zed raconta une quatrième fois au garde son odyssée nocturne.

 

« Ah ! C’est vous qui cette nuit, avez piétiné le gazon nouveau dans le jardin du Rocher ? Je vous dresse procès-verbal ».

 

« Comment ! s’exclama Zed stupéfait, vous ne le saviez pas ?

 

« Non ! Mais vous venez de me l’apprendre. Reprenez vos 20 F ».

 

Et Zed du payer l’amende : méchant « poisson d’avril ».    

 


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