Le Département



1ère session du Conseil Général 1870


Par lettres-patentes du roi en date du 4 mars 1790, la province de Champagne fut divisée en 54 départements. L’un de ces départements, provisoirement appelé département de Troyes, reçut son nom définitif de la rivière Aube. La ville de Troyes perdait son titre honorifique de capitale de la Champagne, pour devenir le chef-lieu du nouveau département.

 

Le département de l’Aube fut divisé, par décret du 29 janvier, en 6 districts : Troyes, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Nogent-sur-Seine, Arcis et Ervy. Ces 6 districts furent divisés en 52 cantons. Le département de l’Aube était créé, mais l’administration du département restait à former et à organiser. Les électeurs, au nombre de 426, se réunirent le 31 mai à Troyes, et procédèrent au choix des administrateurs. L’assemblée électorale dura 10 jours, ses travaux furent laborieux. Certaines séances commencèrent à 5 heures du matin. Les électeurs du district de Troyes se réunirent le 11 juin, pour nommer  les 12 membres de leur administration. Comme la ville, par sa population, avait une influence très grande dans le district, une partie des choix fut faite sous l’influence de la municipalité. Les assemblées administratives se divisaient elles-mêmes en 2 sections : l’une portait le titre de Conseil du département, l’autre formait le directoire, qui restait en activité dans l’intervalle des sessions pour l’expédition des affaires. Le directoire du département se composait de 8 membres élus par leurs collègues, le directoire du district de 4. Les administrateurs de l’Aube se réunirent les 5, 6 et 7 juillet, pour se constituer, s’organiser et nommer leur directoire. Henri de Dampierre fut élu président, quoiqu’il n’eût aucune expérience administrative : il plaisait aux amis de la Révolution par ses idées enthousiastes, aux modérés, par son origine aristocratique. Mais, à côté de ce jeune officier, qui représentait le côté généreux et ardent de la Révolution, l’assemblée plaça comme vice-président, Fromageot, ancien échevin et procureur syndic de l’assemblée d’élection, qui devait apporter dans le conseil l’expérience et la tradition.  Ce fut dans le même but qu’elle prit pour secrétaire général l’abbé Clergier, sous-doyen de Saint-Etienne, vicaire-général, ancien membre du bureau intermédiaire, et passait pour anti révolutionnaire. Elle élut aussi un trésorier du département, Louis Doé, qui dut s’engager à fournir un cautionnement de 500.000 livres, et un architecte Milony. Les corps administratifs et religieux s’empressèrent de venir féliciter la nouvelle administration. Elle reçut successivement les députations du chapitre de Saint-Pierre, de l’école de dessin, du régiment de Vigier, de l’église Saint-Etienne, des Cordeliers, de la garde nationale, du district, des curés de la ville, du chapitre de Saint-Urbain, des grenadiers et des chasseurs.

 

La municipalité proposa les vastes bâtiments de l’abbaye de Saint-Loup pour y installer l’administration du département. Celle-ci, reculant devant des travaux à réaliser, préféra louer l’hôtel de Marisy. Un corps de garde de 8 hommes fut installé dans cette maison. Peu de temps après, reconnaissant l’insuffisance du local, le directoire revint sur sa première décision et demanda à acquérir l’abbaye de Saint-Loup, dont le rez-de-chaussée était occupé par le régiment Suisse. Après le refus de la municipalité, l’administration resta dans l’hôtel de Marisy jusqu’en 1794, époque à laquelle elle occupa l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains, qui est la préfecture actuelle. L’administration du district s’installa dans une maison située au coin de la rue de la Levrette et de la rue du Bourg-Neuf. La dernière séance du bureau intermédiaire eut lieu le 3 août. L’évêque la présidait. L’installation du directoire eut lieu le 8 juillet. Les séances étaient d’abord quotidiennes. Au bout de 15 jours, on s’aperçut que leur nombre nuisait à l’examen des affaires, et on les réduisit à 3 par semaine. 6 bureaux furent organisés : administration générale, subsides, biens nationaux,  travaux publics, bien public et expédition générale. Le nombre des employés fut fixé à 14.

 

         Ce fut au milieu du différend entre la municipalité et le directoire que s’ouvrit la première session de l’assemblée administrative du département de l’Aube, dès lors connu sous le nom de Conseil général. Elle dura 6 semaines, du 3 novembre au 15 décembre. Les séances étaient publiques et se tenaient dans une des chambres de l’hôtel de Marisy.

 

Le procès-verbal imprimé nous a conservé les travaux de cette session. Dampierre prononça dans la première séance un discours où il passa en revue toute l’histoire de France. Il n’y signala qu’un seul roi à regretter, Charlemagne, parce que Charlemagne ne promulguait les lois qu’après les avoir fait sanctionner par la nation assemblée tous les ans. Il accusa le haut clergé d’avoir détruit la Constitution politique de ce législateur, et après s’être élevé contre la féodalité, le despotisme, le fanatisme et les Parlements, il fit un rapide panégyrique de la Révolution, préparée par la philosophie de Rousseau, accomplie par l’éloquence de Mirabeau. Son rapport, malgré quelques passages un peu déclamatoires, est un document précieux pour l’histoire du département. Le « Moniteur » du 20 juillet 1791, le cite en effet, comme un modèle à suivre. Rempli d’idées justes, utiles et pratiques, le rapport indiquait et résumait toutes les questions soumises à l’examen du Conseil général, qui se divisa pour les étudier en 5  bureaux ou comités, ayant pour attributions l’administration générale, les contributions, les domaines nationaux, les travaux publics et le bien public. On était alors avide de publicité. La connaissance de la population était, selon Beugnot, le tableau des sociétés. La population était évaluée à 265.845 âmes. Le nombre de mariages, disait-il, est le thermomètre où se marque le degré de bonheur du peuple. L’accroissement de la population et l’amélioration de son sort, étaient, selon lui, le but auquel une sage administration devait s’efforcer de parvenir. L’assemblée acheva la constitution du département par une nouvelle division des cantons. Elle en modifia le nombre et l’importance, et changea  quelques unes des limites des districts.  Elle porta à 61 le nombre des cantons fixé précédemment à 52. Elle jugea nécessaire d’en augmenter le chiffre ou d’en changer le chef-lieu, pour remédier aux inconvénients qui résultaient de la division par sections. Cette répartition nouvelle persista sous le régime du Directoire, où des administrations cantonales furent substituées aux administrations du district. Le nombre des communes fut aussi élevé de 436 à 481.

 

Mais les impôts ne rentraient pas. Les souffrances étaient vives, surtout à Troyes, où le commerce subissait une crise sérieuse. Le Directoire se proposa de distribuer les fonds qui lui seraient envoyés aux ouvriers sans travail, aux infirmes, aux vieillards, et aux enfants hors d’état de gagner leur vie. Pour suppléer à l’insuffisance des moyens de secours, l’assemblée décida qu’il serait établi, dans la maison des Chartreux, située au faubourg Croncels, un hospice de bienfaisance où les indigents des 6 districts seraient admis. Les hommes valides devaient y être occupés à des travaux agricoles, les femmes et les enfants à la filature du lin et du chanvre. Ces plans généreux ne devaient pas être réalisés, l’hospice ne fut pas fondé. Le seul soulagement que put apporter l’assemblée aux maux dont souffrait le département, fut d’attribuer sur la contribution des privilégiés des sommes importantes pour l’entretien des ateliers de charité, pour le soutien des manufactures, et pour l’établissement de bureaux de charité dans les districts. Il fut décidé qu’une école primaire serait établie par paroisse, les maîtres d’école seraient nommés par le directoire du département, sur la présentation des Conseils généraux des communes. Pour stimuler le zèle des enfants, on leur promettait des récompenses, et l’on devait donner aux 2 élèves « les plus distingués de chaque district des places gratuites dans une maison d’éducation ». Une société des « Amis de l’enfance » devait être fondée pour le soutien et l’encouragement des écoles de campagne. Le jour où la Révolution diminua l’influence de l’Eglise, elle atteignit l’instruction, dont le clergé avait pour ainsi dire le monopole, parce qu’elle ne put suppléer immédiatement à la science et à l’expérience de ses membres.   


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