Les Ecoles

La vie à Troyes



Groupe scolaire Jules Ferry

Jules Ferry
Jules Ferry


La loi prescrivant l’instruction primaire obligatoire, gratuite et laïque, à laquelle Jules Ferry a attaché son nom, date de 1882. Elle apportait un grand changement car l’instruction populaire était encore assurée, en partie, par des écoles congréganistes. Pour la mettre en œuvre, la ville devait construire, autant dire dans chaque quartier, les installations appropriées pour recevoir des contingents de garçons et de filles qui allaient affluer. La réforme était attendue depuis longtemps et déjà quelques écoles avaient été mises en chantier.

 

         En ce qui concerne le quartier des Marots, il devait, à ce point de vue, connaître une complète rénovation.

 

         La première idée du groupe à réaliser remonte au 21 août 1897. A cette date, le maire Louis Mony, achetait la propriété Thibézart, portant le numéro 9, de la rue des Marots (aujourd’hui Pierre Murard). Elle se situait à la rencontre avec la rue Clos-le-Roi (Jean Lacoste). Un pensionnat privé y fonctionnait.

 

         Au décès de l’institutrice religieuse, qui tenait l’école de la rue de la Grande Tannerie (Rue Raymond Poincaré), celle-ci fut laïcisée. Le conseil départemental décida de reporter cette école dans le local Thibézart, en le garnissant d’un matériel acheté 2.000 francs. Elle reçut alors 85 élèves et logea le personnel enseignant. En 1911, un cours complémentaire y fonctionna. Cette école fut démolie en 1920.

 

         Le premier achat de terrain fut suivi en octobre 1904 par l’acquisition d’une propriété cédée par Madame de la Germonière. Cette propriété, entourée de murs, portait les numéros 7 et 9 de la rue des Marots. C’est dire qu’elle longeait le lot Thibézart. L’affaire était jugée excellente car les 85.000 francs furent acceptés à l’unanimité.

 

         La Germonière comprenait déjà l’école communale de filles. En 1910, on y regroupa l’école de garçons, de la rue de Paris qui occupait l’ancienne mairie de Saint-Martin-ès-Vignes, commune annexée.

 

         Dès l’année suivante, le Conseil était à même de concrétiser ses vues. Il bâtirait sur le même plan, une école de garçons et une école de filles. Chacune comprendrait 6 classes. Elles seraient pourvues de logements de maîtres et d’une cantine. Une crèche municipale serait également envisagée.

 

         Le 16 avril 1910, le maire Charles Lemblin-Armand rassemble les entrepreneurs pour procéder à l’adjudication des travaux. Les bâtiments occuperaient une surface de 5.200 m². Une égale surface restera libre.

 

Toutes les qualités imposées par le règlement étaient réunies, à la satisfaction de l’Inspection académique. Le groupe sera éloigné de 700 mètres du cimetière et de 250 mètres des proches voisins.

 

         Cependant, malgré toutes ces perfections, le projet n’obtint pas l’unanimité du conseil. M. Robiquet, qui jouissait d’une certaine audience, aurait voulu voir ces 2 édifices reportés sur le terrain occupé par le collège de jeunes filles, qu’on se proposait d’installer dans la grande propriété du Petit Séminaire.

 

         En 1912, les murs sont debout et les toits sont posés. L’ouverture des classes est fixée au retour des vacances de Pâques. Les nouvelles écoles  n’ont plus rien de commun avec celles qu’elles remplacent. Elles dressent leurs 2 étages à larges fenêtres symétriques, une toiture débordante les recouvre et, naturellement il s’en détache au milieu, un fronton triangulaire avec, au centre, son œil de cyclope.

 

         Ce groupe se devait  de se qualifier d’un nom ronflant. Celui de Jules Ferry s’impose. C’était une justice à lui rendre. Le père de l’école laïque, après les déboires provoqués par sa politique coloniale, avait dû quitter le pouvoir. La mort l’avait saisi en 1893. 30 ans après le vote de sa loi, son nom sera donc remis en honneur à Troyes et le conseil vote d’enthousiasme « cet hommage mérité et judicieux ». Sa veuve y fut particulièrement sensible. En remerciement, elle offrit à la ville le portrait de son mari, peint par le maître Léon Bonnat, qui s’était spécialisé dans les traits des célébrités de l’époque. Ce portrait resta en place jusqu’à la guerre 1914-1918, pendant laquelle le groupe abrita un hôpital militaire, puis le lycée de jeunes filles.

 

         Le 2 juin 1912, la ville de Troyes procédait solennellement à l’inauguration du superbe groupe scolaire des Marots devenu le groupe Jules Ferry.

 

         L’ancien maire M. Variot, avait invité le Ministre de l’Instruction Publique, M. Guist’hau, pour présider la cérémonie qu’on voulait brillante. Le docteur Georges Descusses, maire provisoire, recevait en outre le Général Sarrail, représentant le Ministre de la Guerre et M. Gasquet, en remplacement du Directeur de l’Enseignement Primaire. Naturellement, le docteur Descusses prononça, avec aise, l’éloge de Jules Ferry. Il coupa ensuite le ruban tricolore, et la foule des invités admira avec acclamations, les salles « éclairées, aérées, gaies et propres ». M. Gasquet accapara un moment l’attention pour célébrer l’enseignement officiel qui succède « à l’école de la religion ». Un groupe d’élèves adressa aux réalisateurs des compliments, puis chantèrent un hymne au père de l’école laïque.

 

         Désormais garçons et filles disposent d’un bâtiment semblable. Côté rue de la Cloche : les filles. Côté rue Lacoste : les garçons.

 

Chaque école est pourvue d’une cantine avec cuisine. Les 12 salles de classe sont séparées par un vestibule-vestiaire et chaque classe est isolée de sa voisine. Pour les jeux il y a de grands préaux et une borne fontaine coule pour eux.

 

         Les maîtres disposent de logements indépendants, aux pièces bien distribuées, munies du confort moderne. Il y a aussi un fond de verdure avec de grands arbres. « La Tribune de l’Aube » écrivait : « Plus d’un de nos compatriotes souhaiterait posséder une semblable demeure ». Evidemment, il n’y avait plus rien de commun avec les sordides écoles de l’Ancien régime.

 

Selon l’habitude, cette inauguration servait de prétexte à une distribution de palmes académiques à ceux qui avaient le mieux œuvré pour  la réussite du nouvel établissement. Il y avait entre autres le nom de l’architecte M. Bouton. Mais au dernier moment, ce nom disparut. Que s’était-il passé ? L’architecte avait eu l’imprudence  de figurer sur une liste électorale patronnée par « La Tribune de l’Aube », avec l’étiquette  de républicain progressiste (parti modéré).

 

Un autre incident intervint pour le conseil municipal. Le groupe Ferry se trouve à une bonne distance de l’hôtel de ville. Comme chaque conseiller ne disposait pas d’une voiture et d’un cheval pour se rendre aux Marots, il fallait organiser un service de transport. La municipalité  ne pouvait faire mieux que de prendre à sa charge des voitures de louage. Or, la note se montait à 480 francs, somme jugée par tous exorbitante. Le maire, le docteur Descusses, s’en expliqua devant ses collègues : « Nous avons dû payer 40 francs pour chaque voiture. C’est un chiffre formidable. Mais c’était à prendre ou à laisser. Les loueurs se permettaient de telles exigences parce que leurs équipages étaient retenus pour les premières communions ». Emile Clévy, qui faisait partie du conseil ajouta : « Le plus fort, c’est que nous avons payé des voitures qui ne nous ont pas servi ! ». En effet, M. Lesaché confirma : « Nous avons fait comme vous, Clévy, nous avons pris le tramway pour revenir. C’est un véhicule fort démocratique ! ».

 

En 1914 l’école servit en partie d’hôpital militaire et de centre de détention.

 

Le groupe scolaire a été utilisé pendant l’occupation allemande de 1940 à 1943, pour y interner différentes personnes en provenance d’autres prisons. Il y avait des Français, Russes, Allemands, Bulgares, Belges, Roumains, Turcs, Grecs, Autrichiens, Hollandais… Les Juifs étaient considérés à part, plusieurs ont pu s’évader en mars 1941. En 1940, il y 127 internés dont 73 Polonais, en janvier 1941 337, en mars 1941 166 dont 23 Français, en avril 1941 268 personnes arrivent d’un coup, en mai Jules Ferry n’en accepte qu’une partie sur un groupe de 606. Ce sont des enfants, des vieillards, des femmes, des hommes, des couples, des familles entières ou privées de l’époux, prisonnier ou emprisonné quelque part.

 

Le Groupe Jules Ferry a récupéré en partie, un peu avant la fin de la guerre, sa destination d’école primaire. Il a fallut la Libération pour qu’elle redevienne totalement école de la République.

 

Un arbre de la laïcité y a été planté le 12 décembre 2014, par M. François Baroin, maire de Troyes.



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